Être heureuse quand la famille va mal
Parfois c’est compliqué, parfois, c’est bien pire que ça. Parfois, il y a des bobos et parfois il y a de gros dégâts, des choses qui se cassent, se brisent, ne se réparent pas… Pourtant, malgré tous ces parfois, on peut avancer, continuer à y croire et au bout du compte, après des mois ou des années, on peut trouver la sortie du tunnel. C’est ce tunnel et cette sortie du tunnel que nous raconte une jeune auteure anonyme
Les hommes autour de moi
Depuis ma naissance, j’ai majoritairement été entourée d’hommes et j’ai vite compris qu’ils avaient une grande influence sur moi, sur la manière de me comporter ou de parler, sur mon rôle ou ma position de fille puis de femme dans cette société bien compliquée. J’ai deux grands frères, un père bien présent. Pour moi, tout a commencé lorsque mon père s’est davantage occupé de Nicolas, mon frère ainé. Ma maman ne pouvait rien dire à cela, comme si elle n’avait plus aucun mot à dire à Nicolas. Elle ne pouvait plus s’occuper que de mon autre frère, Arthur, et de moi. Bien que nous étions trop jeunes, pour vraiment comprendre ce qui se passait entre mon père, ma mère et Nicolas, on sentait que quelque chose clochait. Tout cela nous marque aujourd’hui encore.
Mes parents
Entre les multiples séparations de mes parents et les bêtises de Nicolas, les pièces du puzzle commençaient, petit à petit, à se mettre en place. La situation devenait claire pour moi. Jusqu’à mes 14 ans, où tout est devenu transparent, je ne voulais pas y faire attention. Plus jeune, mon père a, lui aussi, eu des problèmes et fait des bêtises. Là, il avait peur que Nicolas emprunte les mêmes routes que lui. Seulement, en voulant tout faire seul, il a fait pire, bien pire. Comment voulez-vous vous occuper d’une personne, quand vous n’avez pas été capable de vous occuper de vous-même ?
Pour moi, la relation entre mes parents était toxique, mon père exerçait un contrôle sur ma mère. Petit à petit, ma maman, détruite et ne pouvant plus supporter la pression que mon père lui mettait sur les épaules au quotidien, a commencé à se confier à moi. Elle me parlait des choses qu’une petite fille de 12 ans ne devait pas savoir. Une petite fille de cet âge ne devrait se soucier que de la connaissance de ses fables et non pas des tortures mentales, économiques, sociales ou encore sexuelles, que sa maman subit depuis 23 ans d’une relation infernale.
Nicolas
Mon grand frère enchainait les conquêtes d’un soir, les mauvaises fréquentations et les altercations avec la justice. Quand le regard épuisé de ma maman, incapable de le comprendre, se posait sur lui, il commençait à se décomposer. Un soir de 2019, Nicolas a fini par en avoir marre. Il a décidé que la pression était trop forte et il a essayé de mettre fin à ses jours. C’en était trop. Entre les confidences de maman, l’état mental de mon père, la tentative de suicide de mon frère, moi aussi – n’ayant le contrôle sur rien – j’ai commencé à me dégrader.
S’occuper de moi ?
La tentative de suicide de mon frère a été une grande claque pour mon père. Elle lui a fait réaliser qu’il avait deux autres enfants et qu’il serait peut-être temps de s’en occuper. Malheureusement pour moi, j’aurais préféré qu’il continue sa route. “Occuper” est, probablement, un bien grand mot. Si « occuper » cela signifie faire des remarques, se moquer ou rabaisser au quotidien, alors oui, peut-être qu’il s’occupait de moi… Qui sait ? La pression était maintenant sur mes épaules et du coup j’ai commencé – à mon tour – à me confier à ma maman, mais cela ne m’a pas soulagée. Au contraire, ça n’a fait que grandir le malêtre que j’avais en moi.
Je suis une bombe
Ça m’a fait peur d’avoir tellement de colère en moi, tellement de rancune, de haine et de mauvais sentiments. Ça m’a fait peur de tout garder, de ne pas avoir réussi à tout laisser partir et d’avoir été cette bombe à retardement. Ça m’a fait peur quand je voyais que j’étais capable de m’en prendre à mes proches – sans même avoir de remords – parce que, parfois, j’étais tellement en colère contre le monde entier que n’importe qui pouvait se prendre une rafale de haine. Ça m’a fait peur d’être une grenade et de me dire qu’un jour, j’allais exploser tellement fort que j’allais finir en morceaux.
Il faut frapper à plusieurs reprises un coeur amoureux avant qu’il ne se brise, il faut frapper à plusieurs reprises pour qu’un être amoureux cesse de voir avec le cœur. Quand vient le jour où le cœur se brise, il n’y a plus aucun moyen de recoller les morceaux. À ce moment-là, il ne reste plus que la raison, la raison qui mène à la méfiance et la méfiance qui mène à la haine.
Il faut qu’on discute
Comme si ça ne suffisait pas, un soir mes parents m’ont appelée pour qu’on discute. Cela n’a jamais été un bon signe. Ils m’ont alors expliqué que Nicolas avait fait une grave erreur, celle de trop. Cette fois-ci, la justice en avait marre de donner des secondes chances à Nicolas. Il était maintenant à la prison de Lantin pour payer toutes les conneries qu’il avait faites. Je me suis durcie sous l’effet de cette nouvelle qui m’enlevait quelque chose. Avant cela, j’étais si émotive que je m’effondrais à la demande, j’étais une fontaine …
Aujourd’hui
L’eau s’est retirée. Évidemment, même si je me soucie des êtres autour de moi, j’ai beaucoup de mal à le montrer. Un mur fait obstacle. J’ai toujours rêvé d’être aussi forte que rien – jamais – ne pourrait m’atteindre. Maintenant, je suis devenue tellement forte que j’ai l’impression que plus rien ne me touche. Mon souhait serait de parvenir à m’adoucir. Aujourd’hui, tout va beaucoup mieux, mais beaucoup d’entre nous doivent réaliser que le bonheur n’est pas une destination mais un parcours. Le bonheur, ce n’est pas d’avoir la voiture ou la fille de tes rêves. Le bonheur, c’est réaliser que ce que tu as est assez, et malgré tout ce qui arrive dans la vie, en être reconnaissant. Quand on aura compris ça, on ne sera pas juste heureux ou heureuse, on attirera plein de choses qu’on a toujours voulues.
L’auteure de ce texte souhaite rester anonyme
Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R à distance
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