Mon voyage NicetoNEETyou.

Mon voyage NicetoNEETyou.

Imaginez un immense espace vide. Imaginez-moi au milieu de cet espace infini, errant sans but, sans objectif, sans rêve, dépressif.

Au loin, des silhouettes

Puis un jour, au loin j’aperçu plusieurs silhouettes. Ces silhouettes ce sont celles de l’équipe de NicetoNEETyou(1) : Loïc, Virginie, Senna et Cloé. Ce sont nos coachs, nos guides, on pourrait presque dire nos gourous. À leurs côtés, d’autres jeunes qui, comme moi, cherchent des réponses à leurs questions.

Même pas peur

Perplexe et craignant l’inconnu, j’hésitais à m’approcher. Mais, de toute façon, je n’avais plus grand chose à perdre. Soit, c’était une mauvaise expérience et dans ce cas-là, ça ne changerait rien à ma situation. Soit, c’était une superbe expérience et ça me permettrait de trouver un but. J’ai donc décidé d’y aller. Au début j’étais nerveux, mais tous étaient tous très amicaux, très accueillants, bienveillants.

Sur la route, enfin

J’ai expliqué mon parcours, mes craintes. Nos coachs nous ont dit qu’ils avaient un voyage à nous faire faire, un voyage dans lequel nous avons rencontrer des inspirateurs qui eux aussi, nous parlent de leurs parcours,  un parcours étonnement similaire aux nôtres. Ils nous ont également dit qu’au bout de ce voyage je trouverais une porte, un but. Encore une fois j’étais perplexe, mais bon autant essayer.

Trois semaines pour se découvrir

Nous avons donc entamé un voyage – intérieur – de trois semaines. Sans sortir de ma ville, j’ai pu redécouvrir qui j’étais, qui je suis. J’ai aussi visité un lieu qui m’a particulièrement marqué : le Service Citoyen(2). J’ai retenu ce lieu… D’après moi, c’était une clé, mais il me fallait encore trouver la porte. Et au bout de ces 3 semaines, je vois enfin cette porte. Encore fermée à clé, certes, mais elle est là, bien réelle : mon truc à moi c’est l’animation. Pour y arriver, je sais maintenant où trouver la clé.

Promesse tenue

Après ces semaines, les silhouettes de NicetoNEETyou se sont un peu éloignées mais elles sont toujours là pour nous guider et nous conseiller lors de nos futurs voyages. Imaginez un immense espace… avec plein de personnes qui s’entraident pour trouver un but à leur vie, qui se soutiennent l’un, l’une ou l’autre, qui sont à l’écoute, ne jugent pas et respectent chacune, chacun.

N’est-ce pas magnifique ?

Moi, je trouve que oui et je ne regrette rien, au contraire je suis même 100% partant pour recommencer si on me le demande. Voici une citation qui d’après mon coach Loïc ma représente bien : On apprend mieux quand on est heureux.

(1) NicetoNEETyou est une association qui soutient les jeunes de 18 à 30 ans durant toutes les étapes scolaires ou professionnelles de leur parcours. Elle les soutient plus particulièrement dans les moments qui mènent à décrocher du système.
(2) Les jeunes de 18 à 25 ans, qui réalisent un Service Citoyen participent, durant six mois, à un programme de qui leur permet de prendre confiance en eux, de se sentir utile, de s’engager au servide des autres tout en préciser un projet d’avenir. NicetoNEETyou et le Service Citoyen sont donc complémentaires. Le premier permettant, par exemple, de faire découvrir le second aux jeunes.

 

Auteur : tanguy, bruxelles, 21 ans

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R 

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« C’est todi les ptits k’on spotche »

« C’est todi les ptits k’on spotche »

C’est todi les ptits k’on spotche, c’est un proverbe wallon qu’on peut traduire par, c’est toujours les petits qu’on écrase. Ce proverbe a, longtemps, été une réalité pour Roman. Alors, malgré le risque de tomber sur un cliché, voici son histoire, un parfum de cour de récré, un témoignage sur ce qui se passe dans toutes les écoles du monde et dont tout le monde pourrait être victime.

En primaire, en secondaire, j’étais plus grand que la moyenne, maigre, des cheveux longs jusqu’aux épaules et un humour particulier. À cet âge, mon profil est ce qu’on peut considérer comme celui d’une proie, celui de quelqu’un qui sort de la norme imposée par le groupe des enfants du même âge. Lorsque l’on s’écarte du troupeau, la menace des loups devient plus grande. J’ai maintenant 21 ans, j’ai coupé mes cheveux, pris du poids, de la maturité et ma carrure s’est développée de façon à ce que les gens se découragent de me prendre pour cible. Une certaine façade qui m’est utile pour qu’on me laisse tranquille : m’adapter au groupe de personnes dans lequel je suis, aptitude durement apprise lors de mes années d’adolescence.

Harcelé

Dans nos années d’école, il y a toujours plusieurs catégories de personnes : les gens sans problèmes, et qui n’en causent pas, puis les leaders et les emmerdeurs. Les deux derniers sont souvent la même personne. Dans cet environnement cruel, semblable à une jungle, pour pouvoir être un leader, il faut savoir faire ses preuves. Diverses méthodes sont possibles pour atteindre ce statut : être quelqu’un de drôle et charismatique ou écraser ce qui est plus petit que soi, et établir une forme de « règne de terreur ». Ceux qui établissent ce règne marchent sur les plus faibles pour démontrer qu’ils sont au-dessus des autres. Malheureusement, dans leur chemin, il y a les gens comme moi, jeunes, éduqués à respecter leur prochain et sans défense face à ces prédateurs. L’adolescent est cruel. À cet âge, les failles des gens sont plus évidentes à déceler et, donc, plus faciles à exploiter. Dans mon cas j’étais bien évidemment une cible facile au vu de mon physique et de mon attitude de blagueur. Ces années ont été les plus dures de ma courte de vie, j’étais captif de ce cycle proie et prédateur et je rentrais presque chaque jour chez moi en pleurant. 

Choux-fleur, Romanichel, Gitan, Jésus…

En primaire, j’étais la cible de plusieurs personnes, et surtout de deux frères qui correspondaient bien à mon descriptif de l’emmerdeur. J’ai eu les remarques incessantes sur le physique, les surnoms pénibles (Choux-fleur, Romanichel, Gitan, Jésus…). Je me souviens d’un grand nombre d’altercations avec eux. En voici quelques-unes : le plus vieux des deux frères avait réussi à me pousser à bout avec ses remarques tout au long de la journée, si bien que, par rage, je l’ai frappé au visage alors qu’on faisait la file pour rentrer en classe. Avec ma force de brindille, il n’a bien entendu pas senti grand-chose, mais mon intention était passée. Il a dû me dire quelque chose dans le style de « t’es mort ». Le cours passe arrive la récréation. En arrivant dans le préau, deux de ses amis me saisissent par les bras et me clouent contre un mur. Immobilisé, je ne pouvais rien faire d’autre que de me laisser faire. Les adultes, chargés de surveiller la surveillance n’étaient pas là. Le grand frère s’en donnait à cœur joie pour me taper dessus pendant que les deux autres me tenaient. Lorsque l’éducateur est arrivé, ils m’ont lâché et sont partis comme si de rien n’était. Bien entendu, comme on dit en anglais, « snitches get stitches » (littéralement : les cafteurs prennent des points de sutures), je ne pouvais pas en parler sous peine de représailles. Dans la réalité, ça s’est arrêté là. Pas moyen de se défendre, pas de moyen d’en parler sauf sous peine de représailles. Par la suite, alors que j’avais osé aller me plaindre au proviseur de l’époque (comparable, à mes yeux, à une loque humaine tant son impact sur les élèves était inexistant), les coupables du dernier événement s’étaient pris une demi-journée de retenue chacun et avaient fini par me laisser tranquille pour le reste de l’année.

Frappé, épisode 2

La dernière partie de la phrase précédente est fausse, c’est con hein ? À cette période, on approchait du marché de Noël. Le jour même du marché de l’école, mes parents devaient venir me chercher vers dix-huit heures en raison de l’occasion spéciale. Entre le laps de temps de la fin des cours (16h) et de l’arrivée de mes parents (18h,) le même groupe, rappelle la meute de potes. Je suis fait attaqué, traîné dans la neige et roué de coups. Dans un état de panique totale, j’essayais de me défendre comme je pouvais en tapant dans tous les sens. Au bout d’un moment j’étais parvenu à toucher quelqu’un. Malheureusement, aveuglé par la neige et la rage, j’avais frappé la cuisinière de l’école qui était venue m’aider. Je l’avais atteinte en plein visage. Après m’être excusé très rapidement, ne pensant qu’à fuir, je me suis précipité pour rentrer dans le bâtiment avec trois des emmerdeurs à mes trousses. Mon objectif : le bureau du proviseur. J’avais une longueur d’avance, donc j’allais atteindre le bureau bien avant eux pour me mettre en sécurité grâce à la protection d’un adulte.  Malheureusement, il n’est pas arrivé. À cette heure tardive, il était chez lui, aucun adulte n’était dans le bâtiment, pas un prof, personne. C’est ainsi que je me suis retrouvé devant une porte fermée, acculé par trois enfants prêts à me faire mordre la poussière parce qu’ils me considéraient comme inférieur. Pris de panique, je me suis mis à fouiller dans une armoire située à l’extérieur du bureau du proviseur, à la recherche d’un objet, d’une arme pour me défendre. À force de fouiller, je finis par trouver un tournevis avec lequel j’ai menacé les trois agresseurs. Je pense que la détermination d’en planter un s’il osait m’approcher s’était bien lue sur mon visage, si bien qu’ils finirent par reculer et partir. Je suis probablement resté là, immobile avec mon tournevis en main, aux aguets, prêt à me défendre, de peur qu’ils ne soient pas réellement partis, un piège pour que je me sente tranquille. Heureusement, j’ai pu attendre sans risque que mes parents arrivent pour dégager de cet endroit. Le harcèlement ne reçoit pas assez d’attention et peut briser mentalement ses victimes. Le corps enseignant n’est pas du tout formé à ce sujet, donc la majorité des professeurs sont soit impuissants soit indifférents. 

Que ne fait pas ma prof ? 

Avant de rentrer en classe, il fallait se mettre en rang. Assez standard comme pratique. J’étais moi-même en train d’attendre que mon prof arrive lorsqu’un membre de ma classe, une des racailles de l’école, passe à côté de moi pour se mettre dans le rang, et m’envoie gratuitement un direct dans l’estomac. Peut-être trouvait-il ça drôle ? Me voilà donc à terre, avec du mal à respirer, plié en deux. Quelle ne fut pas la réaction de ma prof lorsqu’elle m’aperçut dans cet état ? “Bon, lève-toi, hein, j’ai pas que ça à faire”. Elle n’en avait rien à foutre.

Après tout cela…

Aujourd’hui, j’essaye encore de me détacher de ce passé qui me hante, je tente de faire la paix avec mes démons, mais ce n’est pas chose facile. Le système scolaire est mal foutu. Il est inadapté aux enfants sans défense. Ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas en parler, à nos parents, nos amis ou même encore aux professeurs pour qui le bien-être de leurs élèves a de l’importance. Je pourrais encore m’étendre très longtemps sur ce sujet, mais il y certains détails que je préfère garder pour moi.

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Auteur : Roman, 21 ans, lambermont

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Envie de sortir autant que je veux

Avant que ce confinement ne nous enferme dans notre chez nous, avant qu’on ne parle plus que par webcams interposées, Mouna avait un projet. Il est remis à un plus tard mais quand sera ce plus tard …

Je m’appelle Mouna, j’ai 22 ans et je vais vous raconter mon histoire. Je suis dans un centre d’accueil pour femme. J’ai déjà fait 2 ans dans le centre, je vais bientôt avoir un appartement social. Avant, j’habitais avec mon ex-compagnon et j’ai vécu des violences conjugales, je suis donc venue dans ce centre. Dans le centre, il y a les chambres et les flats. Nous sommes 32 personnes en tout. Nous avons toutes une éducatrice et une assistante sociale pour nous aider. Il y a aussi une psychologue. Nous pouvons prendre rendez-vous en cas de besoin. 

En septembre 2019, j’ai commencé une formation en tant qu’éducatrice. J’avais enfin trouvé le métier que je voulais réellement faire. C’est un métier qui me plaît beaucoup.  Je voudrais travailler dans un centre avec de jeunes autistes ou ouvrir une association pour les femmes victimes de violence. Mais en février, j’ai dû arrêter pendant les stages, j’ai fait des crises d’angoisse chaque jour. Ces crises s’expliquaient par les problèmes liés à mon parcours personnel. Même si j’ai réussi tous mes examens, on ne m’a pas laissé continuer mes cours.

Après deux semaines sans rien faire, j’ai voulu trouver quelque chose à laquelle m’accrocher, un truc qui me permettrait de reprendre confiance en moi. J’ai connu le service citoyen grâce à une amie. Nous avons passé quatre jours d’intégration. J’ai connu des chouettes personnes, rencontré différentes personnalités. Nous avons fait plusieurs activités pendant le séjour comme le jeu de société le loup garou de Thiercelieux ou Secret Story, autre jeu. Nous avons fait un blason de notre promo, on a nettoyé une rivière, …

Quelques jours après, nous avons appris que nous serions confinés à cause du corona. J’étais triste de l’apprendre, je me sentais seule et je voulais enfin commencer une mission*. Je ne vois pas mes amis car tout le monde est confiné. Du coup, je m’ennuie beaucoup. Pour passer le temps, je lis des livres sur le développement personnel, cela me permet de me découvrir, cela me permet d’augmenter mon estime de moi, cela m’aide à avoir confiance en moi. 

Je passe mon temps à regarder des films, à cuisiner. J’essaye d’apprendre de nouvelles recettes. Quand je me sens seule, j’en parle avec mon éducatrice du service citoyen.J’espère que ce confinement s’arrêtera rapidement : j’ai envie de revoir mes amis, de reprendre le sport et de sortir autant que je veux. 

A écouter aussi en podcast ici

Le service citoyen est un organisme qui permet aux jeunes, jusqu’à 25 ans, de découvrir une facette de la société, du monde associatif et de se découvrir pour mieux rebondir. Cliquez ici pour en savoir plus sur ce service plutôt très intéressant.

AuteurE : Mouna, 22 ans, bruxelles

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« Je » est multiple

« Je » est multiple

J’ai toujours été intriguée par tout ce qui se rapportait aux origines au sens large du terme. Selon le dictionnaire Larousse, il a comme sens « Classe sociale, milieu, groupe, pays, dont quelqu’un est issu ». Je suis belge  d’origine éthiopienne et cela m’a toujours paru important de savoir d’où on venait, composante ineffaçable de notre identité.

Avec du recul, je me rends compte que notre identité se compose de tellement de facettes ; savoir nos origines est une chose mais ce n’est pas forcément ce qui nous reflète le plus. Le fait de ne pas avoir vécu en Ethiopie me rend étrangère à cette culture même si celle-ci m’intéresse… énormément.

L’ÉTHIOPIE

Pour vous décrire ce pays, que vous ne connaissez peut-être pas ou peu, il se situe en Afrique de l’est. Il fait presque trois fois la taille de la France et a une histoire énormément riche. C’est le seul pays d’Afrique à n’avoir jamais été colonisé ! Il a juste été occupé quelques années par l’Italie qui n’y est pas restée longtemps suite à la bataille d’Adoua qui fut remportée par les Éthiopiens. Cette victoire  limita les ambitions coloniales de l’Italie. L’Éthiopieon l’appelle aussi le berceau de l’humanité : on y a retrouvé le squelette de Lucy, “le premier homme”.  On l’associe souvent à la famine qui l’a frappée il y a plusieurs années mais ce pays reste avant tout un lieu riche de traditions, d’histoires et d’habitants fiers de leur mère patrie . 

SUR PLACE

Lors de mon premier voyage là-bas, en 2010, les gens étaient intrigués par le fait que mon frère et moi étions avec des Européens. Ils avaient du mal à comprendre le concept d’adoption. Pour certains, c’était inconcevable que des enfants de leur pays aillent grandir ailleurs, même s’il n’y a pas tant d’adoptions d’enfants éthiopiens par des habitants du pays. Ils nous « reprochaient » de ne pas parler l’amharique,  première langue du pays. Ils nous regardaient souvent avec des yeux curieux et essayaient de comprendre pourquoi nous étions partis. Parfois, ces personnes avaient un comportement désagréable avec nous. Un peu comme si elles nous en voulaient de vivre ailleurs.  

D’UNE CULTURE ?

Avec du recul, je me demande si ce n’était pas comme admettre une faiblesse de leur pays, mettre en lumière certaines réalités comme la pauvreté. Une fois en abordant ce sujet avec un Éthiopien réfugié en Belgique. Il m’expliqua que ce n’était pas des reproches tournés vers nous mais plutôt l’inquiétude que nous perdions notre culture. On a aussi  rencontré des personnes qui étaient fières que l’on revienne dans « notre pays ».  Voilà une des premières réflexions que j’ai eues sur l’identité, sur le fait “d’appartenir” à une culture. Ce qui est difficile dans le concept d’identité, c’est d’avoir l’impression de devoir négocier avec chacune de ses différentes composantes. Régulièrement, on nous y renvoie. Selon un dictionnaire “L’identité est le fait qu’une chose, ou un être vivant est le même qu’un autre. C’est le fait de pouvoir regrouper plusieurs de ces choses ou êtres vivants sous un même concept, une même idée. » 

NOIRE EN BELGIQUE

En dehors de ce conflit identitaire par rapport à l’Éthiopie. Il y a tout l’enjeu d’être Noire en Belgique. Car même entre personnes d’origine africaine, il peut y avoir des disparités. Il y a un appellation qui m’a toujours perturbée, c’est le terme “Bounty”, mot peu élégant utilisé par certaines personnes exprimant le fait d’être noire à l’extérieur mais blanche à l’intérieur. Comme la barre de noix de coco enrobée de chocolat. Comme si on pouvait être une fausse noire. Je trouve ce terme rabaissant. D’abord, il attribue aux personnes noires certains comportements. Exemple, les Noirs ont le rythme dans la peau…  Contre exemple, les Noirs ne s’intéressent pas à la culture, ils ne vont pas dans les musées. Parler de “Bounty”, c’est aussi dénigrer une origine au profit d’une autre culture.  Ce terme m’a longtemps laissé croire qu’on était soit l’un soit l’autre et que c’était incompatible d’être une Noire sans culture africaine. Ce qui est contradictoire car Noir ne veut pas dire que l’on évolue forcément dans un milieu africain. C’est une façon vicieuse de faire passer plein de stéréotypes. Dernier exemple : l’homme noir est juste bon en sport, il ne pourrait pas préférer des activités intellectuelles, si c’est le cas c’est pour agir comme un homme blanc.  

« Je » est multiple

Je crois qu’il est important de comprendre qu’on n’est pas une identité, ni une origine mais une personne avec de multiples identités ! Et que personne, personne, ne doit nous demander de choisir entre elles … Elles sont indissociables.

Auteure : LIDIA, 20 ans, LIèGE

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R à distance.

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Et le reste alors ?

Et le reste alors ?

À voir tous ces articles sur le coronavirus, sur le confinement imposé à ceux qui le peuvent, et à me mettre moi-même en télétravail, je pense à tous les misérables qui sont encore plus laissés pour compte avec ce virus de merde. À la réflexion, je me dis que de nombreuses personnes ne sont pas trop mal… On est vraiment bien dans nos petits appartements, avec nos petites courses, notre wifi et nos livres. Mais les autres ? 

Merde quoi, ce sont encore les plus pauvres qui vont crever pendant qu’on se la coule douce dans notre canap’, à manger des trucs sains et à se remettre au sport ou au dessin. Et ça me met terriblement en rogne !! Franchement, l’humanité me déçoit, et je ne peux m’empêcher – même si je respecte les règles du confinement – de penser qu’encore une fois, ce virus nous montre à quel point notre système est pourri et décadent. Quand un virus peut te tuer directement, toi ou tes proches, tout le monde fait des efforts et respecte les consignes, le gouvernement met en place un système d’urgence, les supermarchés privés font des actions civiles, tout le monde donne du sien et remercie ceux qui sont en première ligne …


“on” a tous des oeillères

En temps normal cependant, quand il s’agit de vivre sa petite vie pépère alors qu’il y a la famine, les guerres, les réfugiés, le réchauffement climatique et j’en passe, là, personne n’est plus là… On en parle peu, on n’y fait pas attention, on consomme et tout va bien parce qu’on ne regarde pas. Quelle hypocrisie ! Des centaines de personnes meurent tous les jours, mais tant que ce n’est pas notre voisin, tout va bien. Et si tous ces maux étaient des virus qui pouvaient nous tuer, seraient-ils alors en voie de résolution ?


Une crise, vraiment ?

Oui, le coronavirus tue, des proches, des voisins, des personnes de notre pays et dans le monde. Le 7 avril, au niveau mondial, la carte de l’université John Hopkins affichait 1 348 628 personnes contaminées et 74 834 décédées. Et tout ce déploiement médiatique, pour un ratio de personnes touchées si moindre comparé à d’autres « crises ». Oui oui, parce que…

Famine

Savez-vous que la famine touche une personne sur neuf dans le monde ? Deux milliards de personnes sont en proie à une grave insécurité alimentaire. Et ce même si nous produisons plus de nourriture que ce qu’il faut pour nourrir les 7,7 milliards d’êtres humains. Et ce même si les principales victimes de la faim sont les populations paysannes, qui produisent donc la nourriture que l’on mange… (1)

 Conflits

Savez-vous qu’en 2017, ce sont 65,6 millions de personnes qui ont dû quitter leur foyer à cause d’un conflit ? Que la guerre et la violence armée est en cours dans plusieurs régions, comme la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, la République Démocratique du Congo, le Nigeria, le Yémen, la Somalie, la République centrafricaine, les Philippines, le Myanmar, la Palestine, le Soudan, la Libye, l’Afrique subsaharienne, le Cameroun, le Sahel, … et que beaucoup de ces régions sont sujettes à de l’ingérence européenne, américaine, russe, chinoise et j’en passe. Juste pour rappel, notre chère FN de Herstal produit des armes qui se retrouvent dans des conflits au Yémen.(2)

Toute cette violence, ce sont les civils qui en sont les premières victimes : hommes, femmes, enfants.

Réfugiés

Savez-vous que nous comptons 22,5 millions de réfugiés dans le monde, dont 1,2 millions ont besoin d’une réinstallation maintenant, et que 84 % d’entre eux sont accueillis par des pays en développement…pas par nous donc. Crise migratoire, oui, mais pour nous ou pour eux ? Le droit d’asile prévu par la Convention de Genève de 1951 ne semble plus d’actualité : les coopérations policières et militaires des états européens à leur frontière, la mise en place de Frontex (Agence européenne de gestion des frontières extérieures) et le discours politique sécuritaire général qui vise à stigmatiser les réfugiés, à banaliser leur cas et à leur rendre la tâche la plus compliquée qu’il soit pour obtenir le droit d’asile, ne font que démontrer la politique commune d’éloignement des étrangers arrivant en situation irrégulière. (3)

Réchauffement climatique

Savez-vous que le réchauffement climatique va entraîner un nombre incalculable de dégâts en tout genre : augmentation du niveau de la mer, ouragans et cyclones en masse, épisodes caniculaires et épisodes de froid polaires, multiplication des feux de forêts, flambée des prix alimentaires dus aux phénomènes météorologiques extrêmes, impact sanitaire, disparition des espèces animales, détérioration extrême de la grande barrière de corail, etc. Et vous pensez que tout ça n’aura aucun impact sur nos vies ? Pensez- vous que l’avancée technologique nous permettra de tout palier ? Et pensez-vous que l’on s’en sortira sans pertes écologiques et humaines désastreuses ? Que nos démocraties à bout de souffle tiendront le coup et géreront ce « collapse » ?  Que l’on continuera à vivre comme on le fait maintenant ? (4)

Je rigole.

Ce coronavirus n’est qu’une petite blague face à l’immensité de l’effondrement civilisationnel qui nous attend. On n’est pas dans un film post-apocalyptique de mauvais goût, on est dans une réalité logique et analytique. Pour preuve ? Simplement la lecture des rapports du GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. 

Ce n’est (encore) tout !

Et encore, ce ne sont que quelques exemples parmi les centaines qui existent et cohabitent dans cette humanité malfaisante : cancer, déploiement de la 5G (5), violences familiales et domestiques, criminalité organisée, extrémisme, menace nucléaire, perturbateurs endocriniens, bulle économique, extinction des espèces animales et végétales, amenuisement de l’eau potable, destruction massive des espaces naturelles, acidification des océans, pollution atmosphérique, déclin du pétrole, hyper-globalisation, inégalités effarantes, corruptions, délocalisation, ultralibéralisme, etc. etc. etc. Seulement, tous ces maux-là, tous ces problèmes, on y prête peu ou pas attention. C’est plus facile, ça permet de vivre tranquille, et puis surtout, ça ne se passe pas chez nous ou ça ne se vit / ne se voit pas directement, donc pourquoi s’inquiéter ? Notre confort, nos voyages, notre consommation passent bien avant le souci et la préoccupation de toutes ces vies, qui ceci-dit en passant, sont détruites par notre conduite.  

Système paradoxal, là où un virus nous renvoie à la tronche ce que les plus misérables, les moins bénéficiaires du système vivent tous les jours : la mort qui peut survenir à tout moment. Seulement, les plus pauvres eux, ils ne s’en soucient même plus. Parce que les plus pauvres, eux, ne pensent qu’à survivre malgré toutes les atrocités qu’ils vivent.

Récemment, je lisais d’ailleurs à ce propos le texte de Nesrina Slaoui (6), dans lequel elle expliquait que son père, entrepreneur ouvrier, ne pouvait pas télétravailler et qu’il continuait donc son travail. Pendant que certains se la coulent douce, moi y compris, d’autres continuent à abattre du travail, obligés par leurs conditions socio-économiques. Bah oui, le report des charges sociales, ce n’est pas ce qui va lui sauver la mise en tant que petit indépendant. Madame Slaoui concluait très justement « pour ces privilégiés, le confinement est une accalmie. L’occasion de profiter de leur grande maison en dehors des vacances d’été. L’occasion d’être en famille (…) Ils vous diront que c’est une quête spirituelle, le moment idéal de lire plein de livres, l’opportunité de se remettre au dessin, d’apprendre une nouvelle langue… Ils se sentent, eux, épargnés par la mort ». La boucle est bouclée donc, même si on ne veut pas les voir, les pauvres, les précaires, les misérables, sont eux touchés de pleins fouet par ce système capitaliste et son extrême instabilité, et ce n’est pas un virus qui les épargnera, que du contraire. Pendant que les grosses richesses continuent à s’en mettre plein les poches en détruisant toute forme de vie sur leur passage. 

Réveil, effondrement ?

Quand allons-nous nous réveiller, je vous le demande ? Parce que ce n’est pas avec le peu qu’on fait qu’on y arrivera. Et ce coronavirus n’est sûrement pas « un mauvais moment à passer », mais bien le début du pire. Il faut nous préparer à l’effondrement. En se préparant psychologiquement et matériellement à l’après-croissance, à la post-civilisation thermo-industrielle – s’il y en aura une. En apprenant la décroissance, en créant des espaces de résilience paysanne et socio-culturelle, en abandonnant nos privilèges consuméristes et en respectant notre premier habitat, la Terre. Mais pour l’instant, tout ce que je vois, tout ce que je ressens, c’est que ça fait bien longtemps qu’on nage dans la merde. Et qu’on n’est pas prêt de s’en sortir, virus ou pas virus. Inch’allah j’irai au paradis après cette vie. 

Et juste pour le plaisir, quelques paroles de Dominique Bourg (7) « On ne va pas sortir de la crise, c’est ce qu’il faut bien comprendre. On ne va pas revenir comme avant. (…) On rentre dans une dynamique de changement extrêmement profond et on y entre en fanfare. Il n’y aura pas d’après, il y aura un rappel permanent des difficultés, de la fragilité, du caractère non durable de notre société. Je ne vois pas du tout un retour à la normale. » 

(1) Sources : Nous sommes responsables de la plus grande famine de l’Histoire qui frappe actuellement l’Afrique Australe et des drames à venir,  29 janvier 2020, par la docteure Dorota Retelska de l’Université de Lausanne, Suisse – Source : En 2020, des millions de personnes seront confrontées à la faim, notamment en Afrique subsaharienne, 31 décembre 2019, sur le site des Nations Unies – Source : L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde – rapport 2019, 31 décembre 2019, sur le site des Nations Unies – Source : Pour la troisième année d’affilée, la faim progresse dans le monde, 15 juillet 2019, Mathilde Gérard, sur le site du journal Le Monde, Paris.

(2) Sources : Plus d’enfants meurent dans les pays en guerre que de combattants, 15 février 2019 ATS, sur le site du journal Le Temps, Lausanne – Source : Conflits armés et populations, sur le site d’Amnesty International France  – Source : Quelles sont les principales crises mondiales? La réponse en carte, 23 septembre 2016, Ximena Sampson sur le site de Radio Canada, Montréal.

(3) Sources : Où la guerre fait-elle rage dans le monde ?, 14 juillet 2018,  Ximena Sampson sur le site de Radio Canada, Montréal. Source : Conflits armés, sur le site d’Amnesty International France  – Source : Les réfugiés dans le monde, en chiffre, sur le site d’Amnesty International France  – Source : Le monde compte plus de 70 millions de déplacés, un record selon l’ONU, France 24, 19 juin 2019, sur le site de France 24, Paris.

(4) Source : 13 conséquences concrètes du réchauffement climatique, Emilie Jardin, 26 janvier 2020, sur le site de CNEWS, Paris.

(5) Le déploiement de la 5G par Proximus ces derniers jours réveille des questions auxquelles il n’y a pas encore de réponse. Le principe de prudence voudrait qu’on ne prend aucun risque et qu’on attend des études avant de déployer ce nouveau système. Hélas, ce principe n’est pas respecté.

(6) Nesrine Slaoui (Maroc, 1994), journaliste franco-marocaine à France Télévisions et à Bondy Blog

(7) Dominique Bourg (France, 1953), philosophe franco-suisse et candidat écologiste aux élections européennes de 2019 en France. 

Auteure : Céline, 24 ans, Bruxelles

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R à distance

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