Songe d’un confinement sans fin
Pour Maude, 22 ans, tous les jours de ce confinement se ressemblent. Entre les jeux vidéo et les applis de rencontres, elle passe le temps et tente de combler le vide.
Confinement jour 3. Ou 4. Je sais plus.
Chaque matin, c’est le même rituel. 7h du matin, je me réveille, je traîne au lit. Je suis sur mon téléphone, je réponds vaguement aux messages que je reçois sur les différentes applications de rencontres que j’ai installées. Aaaah, ils se ressemblent tous, quelle tristesse.
8h du matin, je mets de la musique. Pas trop fort, mais pas trop doucement non plus. Je sais que ça va réveiller les voisins mais bon… Est-ce que je m’en soucie ? Pas vraiment. Je vis ce confinement seule et j’ai besoin de meubler le vide. Menu : thé vert, fruit, céréales. Là aussi, la routine ne change pas.
Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de ma journée ? Appeler mes potes ? Ça fait déjà six fois en trois jours que je les appelle. Appeler mes parents ? Non, ils se feraient un malin plaisir de trouver quelque chose à critiquer, même à distance. Bon et bien… Il ne me reste plus grand-chose. J’ai acheté un jeu vidéo, dans lequel tu peux simuler une vie parfaite. Peut-être que je devrais faire ça, vivre ma meilleure vie à travers la simulation puisque dehors c’est interdit.
Le temps passe si vite, et en même temps j’ai l’impression que le monde est mis sur pause. Au bout d’une -petite- semaine de confinement, j’ai déjà fait le tour des amis à appeler, des activités à faire… Peut-être serait-il temps de se retrouver avec soi-même, dans le silence ? Ah, quelle idée déplaisante. Alors, je fais une sieste. Et je rejoue aux jeux vidéo. Et je mange. Et j’ennuie mes amis. Et un nouveau jour se lève.
Confinement jour 5
Céréales, thé, fruit. Musique. Voisins qui râlent.
Je cherche sur internet les codes de triche du jeu pour avoir plus d’argent, à défaut d’en avoir en vrai. Bon, je vais discuter un peu en ligne. Dans ma petite boîte à messages d’un site de rencontres bien connu, un message se démarque des autres. ‘’Ravi de rencontrer quelqu’un qui déteste les champignons autant que moi’’. Incroyable, quelqu’un qui sait lire une description. Je réponds. Il est plutôt mignon, la conversation est chouette, il est où le piège ? Ah, le voilà, il habite dans le pays d’à côté, et on ne parle pas la même langue. Peut-être pourrais-je profiter de ce «congé » forcé pour apprendre le néerlandais, qui sait ?
Je pourrais aussi en profiter pour me remettre au dessin. J’ai toujours voulu faire une école d’art, mais je n’ai jamais trouvé que ce que je créais était assez bien que pour me proclamer artiste. Et puis mes parents étaient contre. Mais maintenant que je vis seule, dans mon propre appartement, je vais dessiner. Bon, ça doit être comme faire du vélo, ça ne s’oublie pas. Finalement, je m’en suis plutôt bien sortie. J’ai quelques fois déraillé, mais ça ressemble à quelque chose d’à peu près correct. Le plus dur pour moi dans le confinement, c’est vraiment d’être seule. Je viens d’une grande famille, où il y avait toujours du bruit, peu importe l’heure, toujours quelque chose à faire. Et là… Rien. Le vide. Moi, moi-même, et mes pensées. L’idée de me retrouver seule face à moi-même a toujours été quelque chose qui m’effraie, et pourtant, m’y voilà forcée ! Quelle ironie. Merci le pangolin.
Avant ce confinement, je n’étais jamais restée aussi longtemps chez moi. Je redécouvre mon appartement. Je le décore. J’y accroche mes dessins.
Oh, et j’ai fait des cookies. Bon y en a une dizaine, je ne vais pas pouvoir tous les manger seule. Puis j’ai toujours préféré la pâte à cookies plutôt que le biscuit cuit. Peu importe. Ils feront office de décoration dans ma cuisine !
« Slaap lekker » On a discuté toute la journée.
Confinement jour 6
Rituel classique du matin, on rajoutera que j’ai traîné au lit devant cette application bien connue qui consiste à faire une chorégraphie derrière une musique. Je me suis toujours moquée des gens qui adoraient cette application, et j’en fais mon plaisir coupable, c’est drôle.
« Good morning cutie ! » Les messages matinaux font toujours chaud au cœur, c’est toujours drôle de savoir que tu fais partie des premières pensées de quelqu’un.
Bon, mon frigo et mes armoires paraissent un peu vides… Puis je m’ennuie, j’irais bien faire des courses. En arrivant au magasin, il y a de la file. Chaque personne doit obligatoirement prendre un caddie pour y entreposer ses courses. J’ai laissé ma monnaie à la maison puisque c’est quelque chose de sale et qui véhicule on ne sait combien de microbes. Finalement le vigile me montre comment obtenir un caddie sans pièce, ça consiste à insérer sa clé dedans. Pas bête cette astuce, pourquoi je n’y ai pas pensé… Quand je rentre dans le magasin, je me rends compte que c’est la première fois qu’il est autant bourdonnant de monde. J’ai acheté du mousseux, je ne sais pas ce que je vais fêter, mais je trouverai bien une raison. J’arrive à la caisse et là… Masque, gants bleus, combinaison qui lui recouvre tout le corps : une espèce de chirurgien s’approche de mon caddie. « Pardon, je désinfecte votre caddie ». Ah… d’accord. C’est donc ça la pandémie qui nous frappe ? Des minions géants et des rayons de papier toilette vides ? Ce monde est vraiment bizarre.
Je rentre, je mange, encore une fois rien de très surprenant.
Sauf que ce soir, en cuisinant, on a décidé de se faire un appel vidéo. Il est encore plus mignon que sur les photos, il y a quelques moments de silence, c’est gênant. On rigole beaucoup. Je suis contente qu’il soit là pour combler le silence de temps en temps.
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