Les petits avis, épisode 6

Les petits avis, épisode 6

Scan-R, dès le départ, donne la parole à tout le monde… Dans les témoignages que nous recevons, certains sont trop courts pour faire l’objet d’un post sur notre site. On a donc décidé d’en rassembler plusieurs. Voici les témoignages d’Arthur, de Coco, Anaïs et Johnny.

Métallique et sensible par Arthur, 17 ans

Pour moi, un couteau est quelque chose de symbolique. Il représente bien plus qu’un simple bout de métal coupant. Depuis toujours, je m’intéresse à cet objet tranchant, agressif et dangereux. Si je m’y intéresse, c’est parce qu’en quelque sorte, je m’y identifie. À première vue, un couteau est quelque chose de brut destiné à faire mal. En réalité, il est bien plus que ça. C’est un objet délicat, fragile et capricieux dont il faut prendre soin. Des gouttelettes de sueur peuvent en abimer la lame. En apparence, un couteau est un objet solide mais il est aussi fragile qu’un verre d’eau. Pour prendre soin de lui, il faut apprendre à le connaitre. Si je m’identifie à ce couteau, c’est parce que moi aussi, il faut apprendre à me connaitre. Ma copine m’a avoué qu’avant qu’on se connaisse, elle me croyait hautain et sans sentiment. Dans la rue, en public, j’ai l’air froid et agressif. Mais malgré les apparences, je suis une personne amicale et compréhensive. Telle une petite lame qui ne demande rien à personne.

N’aie pas honte par, Coco, 18 ans de Liège

Je suis juste une femme qui dit ce qu’elle pense haut et fort et je n’ai pas honte. Je n’ai pas honte quand j’ai une tache de sang sur mon jeans ou que je porte un short alors que j’ai des « grosses» cuisses ou même quand je parle de sexe,… je n’ai pas honte de moi. “Dégueulasse” ? Mais non ce n’est pas dégueulasse ! Ce n’est pas honteux ni dérangeant, c’est ça être une femme. Ce sont des problèmes du quotidien, de mon quotidien et, je me répète, je n’ai pas honte. Je suis qui je suis avec mes défauts et mes qualités. Je m’aime comme ça. Nous sommes en 2020 et il y a toujours des tabous sur les femmes. Des femmes ont peur … mais peur de quoi ? D’être une femme ? Nous sommes pareilles que les hommes, nous sommes des êtres humains. Alors, pourquoi sommes-nous autant jugées quoiqu’on fasse ? Ce serait mal, pas féminin ? Stop ! Arrêtez, arrêtez avec tous vos préjugés sur nous, laissez-nous vivre comme on veut car on en a le droit ! Quand je vois que j’ai des amies qui pleurent, qui ont honte de leur corps ou de parler de sexe, je trouve ça dommage. On tente de se transformer, d’être quelqu’un d’autre pour se faire accepter. On doit se cacher. J’aperçois des femmes baisser les yeux quand elles passent devant des mecs dans la rue, je trouve ça horrible. Pourquoi doit-on baisser les yeux ? Toi qui me lis : Non, ne baisse pas les yeux ! N’aie pas honte de toi et sois fière de qui tu es.

Ma grand-mère par Anaïs, 21 ans de Montigny-le-tilleul

Ma grand-mère s’appelle Andrée, elle a un peu plus de 60 ans. Elle a 4 enfants et moi, je suis l’ainée de ses neuf petits-enfants. Elle est la dernière fille d’une famille de 13 enfants. Quand elle avait 6 ans, elle a attrapé des poux, alors on a dû lui raser la tête. Elle portait des sandales en hiver. Un jour, le maitre l’a fait rester en classe pour se laver au lavabo. À 18 ans, elle quitte l’école, se marie et tombe enceinte. Elle perd son premier enfant,… Son mari la battait. Au cours de sa vie, elle a fait plusieurs infarctus (1), elle s’est fait opérer deux fois à coeur ouvert (2). Pour moi, avec son parcours de vie compliqué, ma grand-mère est un exemple de courage. Je suis fort proche d’elle. Elle est comme ma mère. Le jour où elle partira, je serai anéantie. Toute ma famille sera anéantie. Je l’aime très fort. En plus, si on a besoin d’elle, ma grand-mère est toujours là.

1. Un infarctus c’est une nécrose, autrement dit la mort, d’une partie du muscle cardiaque. Les cellules de cette partie du coeur ne fonctionnent plus ce qui entraine un manque d’oxygène et peut conduire à la mort. 2. Une opération à coeur ouvert est une opération durant laquelle on ouvre une ou plusieurs des quatre cavités du coeur. C’est une des interventions chirurgicales des plus lourdes et des plus risquées.

Se bouger les fesses après avoir eu le cul dans le fauteuil par Johnny, 22 ans de Charleroi

Il y a un an, je ne voulais plus rien faire à part rester dans mon lit, jouer avec des potes. Je ne voulais pas travailler, ne voulais rien faire pour personne. Ma mère en avait marre que je ne foute rien à la maison, elle disait que je n’allais jamais rien faire de ma vie ! Quand ma mère est devenue bénévole (1) pour une banque alimentaire (2), elle m’a demandé de venir les aider. J’y suis allé 2 ou 3 fois et ça m’a plu et je suis aussi devenu bénévole. On s’entend tous bien, on rigole, on joue parfois mais tout se fait dans le respect du travail ! Quand il y a des gens qui viennent, il faut les aider à porter les colis. On forme une belle équipe ! Quand est arrivé le confinement, la banque alimentaire est restée ouverte pour aider les personnes dans le besoin. On a dû porter un masque, des gants. On continuait à livrer chez les personnes. Pendant 2 mois et demi, je ne me sentais pas vraiment confiné : j’aidais les autres, tous les jours, je livrais… Ce travail de bénévole m’a vraiment appris à bouger mes fesses.

1 Un·e bénévol·e est une personne qui accepte de travailler sans être payé·e. De nombreuses associations fonctionnent avec des bénévoles.
2. Une banque alimentaire a pour fonction de distribuer – gratuitement – de la nourriture aux personnes dans le besoin. D’après cet article de la RTBF, plus de 17.936 tonnes de nourriture ont été distribuées en Belgique et en 2019. Chaque mois, 168.476 personnes ont fait appel à cette aide alimentaire.

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Enfant et soldats

Enfant et soldats

Babacar n’a pas toujours vécu en Belgique. Une partie de son enfance, il l’a passée au Sénégal, un pays francophone d’Afrique de l’Est qui compte un peu plus de 16 millions d’habitants. Ses souvenirs ne sont pas des plus poétiques, ce dont il se rappelle surtout, ce sont des rebelles.

Dans le village de ma grand-mère

Petit, j’ai vécu à Dakar, la capitale du Sénégal, mais aussi dans beaucoup d’autres villes du pays. À 7 ans, mon père m’a envoyé chez ma grand-mère. Son village, situé dans le sud du pays, était assez pauvre. Les premiers mois ont été longs, les gens me semblaient très étranges par rapport à chez moi et puis, évidemment, avec le temps je me suis fait des amis.

Coups de feu

Au bout de quelques jours, les villageois m’ont parlé de groupes armés qui arpentaient la forêt. Ils avaient la réputation d’être cruels et fascinés par le meurtre. Tous les enfants du village étaient mis en garde. Ces groupes armés sont constitués en majorité de déserteurs, d’anciens commandos de l’armée ou d’anciens gendarmes et policiers. Un jour, j’étais en train de jouer avec mes amis sur le petit terrain de football du village quand on entend des tirs de gros calibre. Je reste figé sur place, je sens un bouillon d’émotions en moi. Je veux bouger mais je n’y arrive pas, je veux pleurer mais je n’y arrive pas non plus. La deuxième fois que j’entends ces bruits, je ne ressens plus rien comme si je m’y étais déjà habitué. Je ne ressens plus rien et je comprends que même les habitants se sont habitués aux rebelles.

Les rebelles

Ma première rencontre avec les soldats se passe dans la forêt, je suis avec trois ou quatre amis. Nous marchons à travers cette forêt qui parait interminable. Un de mes amis s’arrête subitement. Il nous dit : “Arrêtez-vous !”. Devant nous, une centaine de personnes marche dans notre direction. Elles ne font presque aucun bruit. Presque toutes portent des armes énormes, aussi grandes qu’un homme. Jamais je n’ai vu de telles armes. Beaucoup ont le visage troué, ils ne clignent pas ou peu des yeux. Mes amis et moi reprenons notre route. On est à côté des rebelles et on ne prononce pas le moindre mot. Ce village que nous venons de quitter s’appelle Tambacounda, il se situe non loin de la Casamance, une province du Sénégal. Je n’ai jamais parlé de ça à personne. Mais cet épisode de vie m’a appris que peu importe le degré de danger, il faut toujours continuer à avancer pour finir le chemin.

Auteur : Babacar, 19 ans, Gilly

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R à distance

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Lisa, autiste Asperger

Lisa, autiste Asperger

Quand elle était encore petite, les parents de Lisa ont cru qu’elle avait un problème à l’oreille. Elle ne réagissait pas à certains bruits. À cause de ce problème, l’institutrice maternelle ne voulait pas s’occuper d’elle. Après une visite chez le docteur, ses parents se sont rendu compte que tout allait bien avec les oreilles et que les problèmes ne venaient pas de là mais du syndrome d’Asperger (1), une des formes de l’autisme.

Pas comme tout le monde

Quand mes parents m’ont annoncé que j’étais autiste, je n’ai pas compris ce que cela voulait dire. Maintenant, je comprends que je n’agis pas toujours comme tout le monde. Mes parents ont dû choisir entre me mettre dans une école spécialisée ou dans une école ordinaire. Pour que j’aie les mêmes chances que les autres enfants, ils ont choisi la deuxième solution. À l’école, j’étais accompagnée par le SUSA (2), une association qui vient en aide aux enfants autistes. Au début, les autres enfants me trouvaient bizarre. Ensuite, ils ont appris à me connaitre et à me prendre comme je suis. Les professeurs disaient que je faisais trois pas en avant et un pas en arrière … donc j’avançais ! Les deux pas en avant, ils comptaient !

Des activités à la pelle

J’ai fait ma première secondaire dans une école mais j’ai dû changer d’école. Ils n’ont pas accepté ma différence. Pendant mon enfance, mes parents m’ont inscrite à plusieurs activités. Parfois ça fonctionnait, parfois moins. J’ai fait de l’aïkido, de la plongée et du hip- hop. Pendant mes deux premiers cours d’aïkido, je ne comprenais pas les exercices mais avec le temps, j’ai su les maitriser. J’ai essayé de faire du théâtre à l’académie mais ils étaient trop exigeants pour moi. J’ai eu un super prof de piano mais je n’ai pas tellement accroché et j’ai arrêté. J’aime la plongée. Certaines personnes m’ont déconseillé d’en faire car j’étais autiste mais cela ne m’a pas arrêtée.

Rêver plus loin

Je suis actuellement en formation pour devenir animatrice pour les enfants. J’aime tellement ça que, l’année prochaine, je vais intégrer la section “technique sociale”. C’est un grand défi pour moi. J’ai les mêmes sentiments que tout le monde mais j’ai du mal à les gérer et à les exprimer. Ma petite sœur Darla me considère plus comme une personne normale qu’une personne autiste. Mon père me fait souvent des mauvaises blagues pour m’apprendre à réagir à celles des autres. Je vous donne un exemple : je demande à mon papa où est mon chat car je ne le vois plus et que je sais qu’il ne sort jamais. Mon papa me fait croire qu’il est sorti sur la terrasse. Ça m’énerve car, parfois, je pense que c’est vrai. J’ai conscience du fait que les autres font des efforts pour m’aider mais il faut comprendre que je dois aussi faire énormément d’efforts de mon côté. Comme pour toute chose, il faut considérer la différence des deux côtés, envisager les deux points de vue. Je suis différente pour les autres mais ils sont aussi différents pour moi.

1. D’après, www.passeportsante.net, le syndrome d’Asperger est un trouble de la famille de l’autisme. Concrètement, les personnes atteintes par ce syndrome ont des difficultés à se sociabiliser et à interagir avec les autres. Les enfants atteints sont souvent intelligents, perfectionnistes et exigeants. Ils donnent une importance particulière aux détails pouvant échapper à la majorité. Ils ont des centres d’intérêt précis qui sortent parfois de l’ordinaire pour des enfants de leur âge, par exemple la conquête spatiale ou les trains. Ils sont doués d’une mémoire remarquable et la logique est le fondement de leur raisonnement. Ils possèdent également une grande lucidité et une bonne capacité d’analyse.
2. Depuis 1991, le Susa est une fondation qui a pour but principal d’accompagner les personnes autistes tout au long de leur vie.

Auteure : Lisa, 17 ans, Woluwé Saint-Lambert

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R à distance

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La pensée positive

La pensée positive

Partir avec un jeu compliqué, très compliqué, connaitre les foyers, passer une partie de ses premières années pas loin de l’enfer et, au bout du compte, rencontrer une personne qui change tout. Cela vous fait passer de l’ombre à la lumière. C’est la belle histoire de Pola-Wiktoria.

Pas bien

De ma naissance jusqu’à l’âge de 14-15 ans, je n’allais pas bien. J’étais submergée par mes problèmes. Mon histoire est un peu dramatique. En gros, mon enfance était un mélange de constantes disputes, de police, de suicide, d’alcool et de foyers,… J’ai vécu avec un père, présent mais alcoolique, et avec une mère qui devait parfois jouer le rôle de la mère et du père. C’était et c’est une mère exemplaire, elle est mon modèle.

Les foyers

À l’âge de 8 ans, mon grand frère et moi avons été placés en foyer. Ce n’était pas joyeux, je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait. Je venais en fait de vivre un traumatisme… Après avoir passé 6 ans en foyer, j’étais quelqu’un de négatif, n’avais pas confiance en moi. J’ai été dans trois foyers différents, dans trois villes différentes. Je devais tout le temps reconstruire ma vie. À force, je ne m’attachais plus aux gens : je déménageais trop souvent. À ce moment-là, j’avais déjà rencontré beaucoup de personnes, vu des choses qu’une petite fille n’est pas censée voir : des personnes qui se mutilent, des enfants éclatant en crises de colère, cassant ce qui les entoure, criant des paroles abjectes. Je me faisais voler, frapper… J’en passe. Au début, j’étais naïve puis j’ai fini par apprendre des insultes, par devenir agressive, je me bagarrais, je faisais n’importe quoi. J’étais mal.

Thérapie ?

Aujourd’hui j’ai 18 ans, pourtant, avec tout ce qui est arrivé dans ma vie, j’ai l’impression d’en avoir 30. On m’a imposé des visites chez des psychologues et j’ai suivi des thérapies. En vérité, rien de tout cela ne m’aidait vraiment. Un jour, un homme est apparu dans ma vie. Aujourd’hui, il est mon beau-père. Il s’intéresse beaucoup à la psychologie, il est coach en développement personnel. Depuis notre rencontre, il m’aide en partant de mes propres expériences. Il me dit que c’est à moi de contrôler ce que j’ai dans ma tête. Il me dit de rester positive tout simplement parce que c’est inutile de voir les choses négativement. Si nous avons le choix de voir la vie d’une manière ou d’une autre, autant choisir le point de vue positif. C’est préférable de garder espoir quand ça ne va pas. Le soleil finit toujours par apparaitre, il faut juste savoir se positionner d’une certaine manière afin de pouvoir sentir les rayons de soleil. C’est-à-dire que, malgré la situation, il ne faut pas baisser les bras et essayer de rester un minimum positif.

Positive !

D’après Daniel Goleman, un psychologue américain, l’intelligence émotionnelle est, que nous le voulions ou non, l’authentique clé pour être heureux. Il ne faut, en aucun cas, essayer d’ignorer les problèmes ou de se transformer en pierre mais au contraire, creuser jusqu’à comprendre ce qui ne va pas. Il faut juste être humain, montrer ses émotions, avoir différentes perspectives et essayer. Maintenant, grâce à mon beau-père, mais aussi grâce à ma mère, je suis en bonne santé mentale. Ils se sont rencontrés quand j’avais 11 ans, et depuis ce moment-là, ma mère prend les conseils de mon beau-père pour bien vivre, elle a donc appris comment s’en sortir psychologiquement : elle aussi a vécu pas mal de choses. J’ai donc à mes côtés deux personnes qui m’aident, m’apprennent comment vivre mieux en ayant un mental en bonne santé.

Les grandes difficultés n’en sont pas

Grâce à eux, je m’en sors dans les situations les plus stressantes comme, par exemple, les examens. Quelques jours avant et le jour J, je me dis des petites phrases du genre : “Tu es intelligente et tu peux le faire”,”C’est juste un examen, rien de compliqué”. Je vous conseille de faire de même pour n’importe quelle situation ! Attention, je ne vous demande pas de vous voiler la face, si vous devez passer un examen et que vous n’avez pas assez révisé, ne pensez pas que ce genre de petites phrases vous sauvera la vie ! Il faut être positif tout en faisant de votre mieux pour réussir.

Un super truc pour tout le monde !

Mes parents m’ont aussi aidée à avoir confiance en moi grâce aux livres qu’ils m’ont conseillé de lire, grâce à nos débats,… Mon beau-père m’avait proposé un exercice sur la confiance en soi. Tous les matins, au moment du brossage de dents, je me regarde dans la glace et je me dis un compliment sans utiliser de négation. Imaginons que je me trouve sympa, je ne vais pas dire : “Je ne suis pas une personne méchante” mais “Je suis une personne sympa/gentille”. Déjà là, la phrase est positive en elle-même.

La vie en rose… ou presque

C’est important d’être optimiste car dans une vie, ça peut tout changer. Avant j’étais quelqu’un de triste, négatif, colérique… et aujourd’hui quand mes amis me décrivent comme une personne souriante, positive ou encore, je cite : “T’es une personne qui voit la vie en rose”, je suis très heureuse et juste fière de moi. Si vous êtes en train de traverser une période compliquée en ce moment-même, je vous souhaite de commencer à changer vos pensées même si c’est très dur, ne baissez pas les bras car tout est dans la tête.

Auteur : Pola-Wiktoria, 18 ans, Sevenum (Pays-Bas)

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Tolère-toi toi-même

Tolère-toi toi-même

Dans l’histoire d’une personne, et donc dans toutes les histoires, il y a toujours un moment, plus au mois court, plus ou moins long, pendant lequel chacune, chacun est à la fois absorbé·e et fasciné·e par le groupe. Durant ce moment, on se tolère peu, on s’oublie pour faire partie du tout. C’est sur ce moment de son parcours, et celui d’après, que revient Florane.

Trop moche, trop boutonneuse, trop plate…

La perfection est une notion extrêmement relative. On ne sait pas exactement comment la définir mais, on a tous et toutes notre idée de ce qu’elle pourrait être, représenter. Pour espérer un jour atteindre cette image que l’on se fait, on s’invente des contraintes et des exigences en mettant la barre beaucoup trop haut. On a constamment tendance à se comparer aux autres pour voir à quel niveau de l’échelle de perfection on se place. « Je suis trop moche », « J’ai plein de boutons », « Je suis grosse », « Je suis plate », « Elles sont mille fois plus belles que moi »,… Nombreuses sont les remarques qu’on s’inflige. Nous gaspillons notre énergie, et notre temps, dans cette quête d’idéal parce qu’on attache trop d’importance à la vision qu’ont les autres de nous.

Je suis nulle, puissance infini + 3

J’ai longtemps eu cette habitude de m’auto-dénigrer. J’étais convaincue que je n’étais jamais assez belle. J’étais une jeune ado sans aucune estime d’elle-même qui essayait, sans cesse, de ressembler aux autres élèves pour espérer avoir leur attention. Je me comparais beaucoup à elles, à eux. Toutes et tous semblaient toujours mieux que moi. Je me sentais menacée par les personnes qui m’entouraient, j’avais peur de ne pas être aimée. Alors, j’ai mis tout mon cœur, toute mon énergie à faire partie des groupes « populaires ». Je savais – ou je croyais savoir – que, comme ça, j’allais passer les meilleures années de ma vie.

Comme tout le monde

Je copiais quasiment tous leurs faits, tous leurs gestes : j’achetais le même genre de vêtements, je me forçais à me maquiller même quand je n’en avais pas envie, j’utilisais la même façon de parler, je désobéissais aux professeur·es et à mes parents jusqu’à les rendre folles et fous car la mode, dans mon école, était d’être « rebelle ». Je criais sur les professeur·es, je leur lançais mon journal de classe à la figure, j’insultais le directeur… Je faisais vraiment n’importe quoi. Je n’étais même plus moi-même. J’ai même fini, à 13 ans, complètement saoule à une soirée d’une « amie »… Saoule au point de ne plus me souvenir ce que j’y ai fait.

Fake fille

Bref, … Moi qui voulais passer les meilleures années de ma vie, et bien, c’était raté. Même si extérieurement, j’avais l’air assez heureuse, épanouie et chanceuse. Intérieurement, ce n’était pas du tout pareil. J’étais si triste et malheureuse. Il m’arrivait, régulièrement, de m’enfermer dans les toilettes de l’école pour pleurer pendant la journée. Je me mentais à moi-même. Je jouais le rôle du personnage que je voulais être, celui que les autres voulaient que je sois. Je vivais à travers leurs regards, ils me disaient si j’étais correcte ou non et je peux vous dire que je me sentais souvent laide et répugnante. Lorsque nous nous sentons inférieur·es aux autres, nous avons besoin des gens pour élever notre niveau d’estime et nous rabaissons les personnes que nous côtoyons en faisant l’étalage de leurs défauts dans le but d’élever notre propre estime personnelle.

Dépossédée

Dans cet état de non-amour de soi, nous n’avons aucun pouvoir sur notre vie puisque nous vivons en fonction des autres, de leurs opinions. Comme l’image qu’ils projettent semble toujours supérieure à la nôtre, nous nous retrouvons toujours insatisfait·es et frustré·es car on n’a pas atteint cet idéal. Plus nous donnons de la place à l’opinion des gens, plus nous perdons le contrôle de notre état intérieur. Nous devenons des êtres extrêmement influençables et vulnérables. J’ai beaucoup souffert de ne pas m’aimer, que ce soit physiquement ou dans ma façon de penser ou de parler. J’enviais les autres car ils semblaient avoir tout : beauté, argent, ami·es, confiance, humour, etc.

Je ne me connais plus

Tout cela m’a éloigné de moi. Je vivais à l’extérieur de ma vie sans savoir ce que je voulais vraiment. Ce qui importait était l’approbation d’autrui. Imaginez le pouvoir que je leur laissais. Avec du recul, je peux dire que le plus beau cadeau que nous puissions nous faire est de cesser de se cacher et enfin de s’aimer. Accepter qui nous sommes dans notre intégralité et nos « imperfections ». Nous devons nous témoigner de l’amour, se regarder dans la glace et se dire que, bordel, je suis belle, quoi ! Cesser de donner de l’importance à ce que les autres pensent ou disent de nous. De cette façon nous leur enlevons le pouvoir que nous leur avions donné auparavant.

Être moi

Je pense que je peux vous l’affirmer mais j’aime la vie et j’aime la vivre. Je n’ai plus besoin de fuir puisque mon estime ne se trouve plus à travers le regard des autres. Je n’ai plus de temps à perdre à vivre une vie qui ne m’appartient pas. Ma vie se déroulait sans que je puisse en avoir le pouvoir puisque j’étais trop perturbée par l’opinion que les gens pouvaient avoir de moi, qui finalement était une projection de ce que je pensais de moi-même. Vouloir vivre une autre vie que la sienne, c’est se perdre dans le néant et se priver de toutes manifestations d’amour. N’accorde aucune valeur à des propos venant de quelqu’un d’autre que toi. Te comparer aux autres n’a rien de bénéfique. Car il est déplorable de réduire la vie à un concours de beauté. La vie est infiniment plus que cela.

Je crois en moi, crois en toi

Abandonne la course effrénée à la beauté. Vis en harmonie avec les autres et cesse, une bonne fois pour toutes, d’entrer en compétition avec eux, avec elles. Cesse de te focaliser sur les défauts physiques. Considère ton corps dans son ensemble. Considère-le sans le juger, avec bienveillance, gentillesse et délicatesse. Prends soin de lui. Vit en bonne entente avec lui. N’inflige pas à ton corps des châtiments qu’il ne mérite pas. La beauté est tellement subjective, il n’y a que toi qui peux savoir comment tu te sens et comment tu te trouves. Abandonne les exigences des autres, déleste-toi des croyances qu’on nous impose, sépare-toi de l’avis physique qu’on a sur toi. Tu es magnifique. Tu es exceptionnel·le. Tu es toi. Laisse ton corps en paix, aime-le et sois fière de lui.

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Auteure : Florane, 17 ans, Otrange

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R à distance

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