L’Homme n’est-il qu’une brute ?

L’Homme n’est-il qu’une brute ?

Lalie est préoccupée par ce qui se passe, ou ne se passe pas dans le monde. Tracassée par l’intolérance, par le manque de compassion ou de compréhension. Elle nous propose un texte appuyé d’un terrible exemple, la catastrophe en cours des Ouïghours.

Un monde de différences

Aujourd’hui, la terre est criblée d’injustices. Que ça soit par rapport aux femmes, aux religions, à l’orientation sexuelle… La différence, pour certains, c’est anormal. Mais c’est quoi être normal ? Par définition, quelque chose qui est normal est conforme à la norme. Si quelqu’un n’est pas comme toi, peu importe le fond ou la forme, il n’est pas anormal, il est différent. Pour moi, en tant que jeune et future citoyenne responsable, il est de notre devoir de nous construire un esprit critique et d’être défenseuse de nos droits. Ce sont d’ailleurs des grands principes et valeurs que prônent le système scolaire : dans certains cours, on nous apprend à voter de manière sensée, à refuser toutes les discriminations. Se construire un esprit critique, ça ne veut pas dire médire de quelqu’un ou de ses convictions. Là est donc la différence : reconnaitre ce qui est bien ou mal et agir en conséquence ou rabaisser quelqu’un en confrontant nos idées aux siennes.

La différence, ça se cultive

Malheureusement, cette nuance n’est pas faite par tout le monde et encore moins dans tous les pays. Ce qui entraine donc des frustrations, des inégalités et parfois même du terrorisme. La différence est une richesse pour soi, pour les autres, pour la société. La différence ne devient un problème que si elle fait peur. Par exemple, lors de travaux de groupes à l’école, je trouve que le projet sera beaucoup plus original et créatif si nous avons des personnalités opposées dans le groupe. Si nous sommes tous pareils à penser la même chose, il y en aura un qui fera tout le travail et les autres seront juste d’accord. Mais il n’y aura pas d’échanges. S’il y a des gens avec des idées ou des caractères différents, il y aura des débats, des désaccords, et cela amène à une réflexion plus poussée et donc à un enrichissement.

Un exemple très concret : l’extermination d’une communauté au XXIe siècle

Récemment, j’ai vu une vidéo d’une femme ouïghour sur les réseaux sociaux. Celle-ci racontait tout ce qu’elle avait subi dans un camp de concentration pour Ouïghours en Chine. Là-bas, les femmes étaient séparées de leurs enfants ou devaient carrément avorter si elles en attendaient un. Quand ces femmes osaient parler leur propre langue, les autorités chinoises leur infligeaient de graves punitions, allant parfois jusqu’à la mort. Bien évidemment, cela n’est pas reconnu par la Chine. Pour elle, ces camps sont comme des camps de redressement. Si cela vous intéresse d’en savoir plus, je vous invite à aller voir ce témoignage. Malgré les campagnes et les manifestations, la Chine n’a rien fait pour démanteler les camps. Je pense que si plusieurs nations s’alliaient pour faire bouger les choses, on pourrait peut-être y arriver. C’est sûr que c’est plus facile de fermer les yeux et de faire comme si on n’était pas au courant. Mais si c’était notre famille, on remuerait ciel et terre pour que ça s’arrête.

Qu’est-ce que je peux y faire ?

Je vous avoue qu’à notre échelle, je ne sais pas ce qu’il est possible de faire. Mais en tout cas, rester indifférente face à cette situation, me rend malade. Parfois je me dis que même si ce monde est faux, on a quand même de la chance de ne pas avoir connu la guerre, les camps d’extermination. Parfois, cela m’inquiète et je me demande si cela ne nous arrivera pas un jour. Mais en fait, ce qu’il se passe là-bas ou ailleurs en ce moment, c’est pareil. Le gouvernement chinois tente d’éradiquer cette population, peu importe le fond ou la forme.

Ne pas suivre le mouvement

Voilà pourquoi il est important de ne pas suivre le mouvement pour tout. Il faut se construire notre propre opinion et défendre nos idées de façon pacifique de sorte que l’existence de ces camps, de sorte que l’indifférence cesse ainsi que la haine et la violence qui les accompagnent. Nous faisons des manifestations pour plein de causes, pourquoi ne pas manifester encore plus pour les Ouïghours ? Enfin, je suis certaine que si chacun y mettait un peu du sien, les personnes jugées anormales pourraient devenir, aux yeux de leurs bourreaux, différentes. Elles seraient alors acceptées car la différence est une richesse. Lorsque tout le monde comprendra cela, nous deviendrons tous bien plus riches. Alors s’il vous plait, devenez défenseur de vos droits et construisez-vous un esprit critique afin que ce genre de camps et de discriminations cessent.

Auteure : Lalie, 17 ans, Comblain-au-pont

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R à distance

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Vous est-il déjà arrivé·e de vous sentir dans un mauvais mood, anxieuse ou anxieux, stressé·e après avoir regardé un film, un reportage ou encore après avoir entendu une histoire ? Si oui, et c’est Jessica qui vous le dit, vous n’êtes pas seul·e !

Tout me bouleverse

Je m’appelle Jessica, j’ai 24 ans et je suis quelqu’une de nature sensible et très émotive. Je me souviens d’un jour où j’étais au téléphone avec des amies et l’une nous racontait l’histoire d’un garçon de 7 ans qui se faisait taper et séquestrer par sa mère : c’était un enfant non désiré et qui, finalement, en est mort. Je vous passe les détails mais quand elle a terminé son histoire, j’en avais les larmes aux yeux et je me suis sentie mal toute la soirée alors que mes amies ont su très rapidement changer de sujet. En réalité, je me suis sentie mal car quand elle racontait l’histoire, je me mettais à la place du garçon pour vraiment comprendre l’histoire et de ce fait, j’ai ressenti un mal-être profond en moi.

Partager les sentiments des autres

L’empathie est une qualité mais celle-ci n’est pas toujours nécessairement facile à porter. Si une personne est de bonne humeur, une personne empathique va recevoir ces bonnes énergies et être de bonne humeur. À l’inverse, quand quelqu’un va très mal ou passe par une mauvaise phase de sa vie et qu’elle communique avec une personne empathique, celle-ci va assimiler toutes les ondes négatives et les ressentir pour, au final, se sentir mal, triste voire parfois déprimée.

Mal à cause d’un film

Si je vous parle de ça, c’est pour partager mon vécu et peut-être rassurer une personne qui, comme moi, pourrait se demander pourquoi elle ressent les choses si intensément. Je me rappelle très bien de la première fois où j’ai compris que j’avais énormément d’empathie. J’avais 17 ans et j’ai regardé le film « Lolita » (1) dans lequel une fille de 11 ans perd sa maman et doit vivre avec son beau-père que sa mère venait juste d’épouser. Le beau-père tombe amoureux de la petite Lolita et, de là, naît une relation incestuelle beau-père – belle-fille. Même si je sentais que ce film me rendait triste et en colère, je continuais à le regarder par curiosité. Après avoir fini le film, je me suis sentie mal à en faire des cauchemars pendant plus d’une semaine. Je ne supportais pas l’idée qu’une fille puisse être sous le pouvoir de son beau-père qui profitait d’elle. Car même si, ici, il s’agit juste d’une fiction, cette réalité existe bel et bien et j’avais du mal à accepter cela. Du coup, je me suis dit que j’allais arrêter de regarder des films qui me rendaient mal. Mais ma curiosité est parfois plus forte. Quand on est empathique, on a cet aspect d’adorer l’être humain et de vouloir le comprendre et l’aider.

Vivre avec

Je veux donc donner un conseil que je me donne également à moi-même : si vous voulez absolument voir un film, un documentaire ou encore une série qui, vous le savez, sera difficile à regarder pour vous, faites-le en journée, avec quelqu’un et de préférence pas en hiver. Si cela ne marche toujours pas, arrêtez de regarder des choses qui peuvent vous rendre mal. C’est une qualité d’être sensible et d’avoir de l’empathie, donc ne la retournez pas contre vous.

Sorti en 1962, Lolita est un film du réalisateur Stanley Kubrick (USA, 1928-1999). Ce film est basé sur le livre de Vladimir Nabokov (Empire de Russie 1899 – Suisse 1977). Pour certains, dont le professeur français Alexander Leroy, ce film donne une image étrange et totalement innaceptable de la pédophilie. L’idée du film est que l’adulte est complètement innocent ou étrangé à la pédophilie. Il répond à une demande de l’enfant.

Auteure : Jessica, 24 ans, Bousval

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Homosexuel, il a dû fuir son pays

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Selon Amnesty (1), aujourd’hui dans le monde, une septantaine de pays considèrent qu’avoir une sexualité différente de celle recommandée ou reconnue par la majorité des religions ou les traditions est un crime, une maladie, une honte. Ces pays pénalisent, emprisonnent, torturent ou condamnent à mort les personnes qui ne sont pas dans la norme. Shukri, en danger en Éthiopie, a dû rejoindre la Belgique pour sauver sa vie.

En Éthiopie

Je suis né en Ethiopie (2). D’après une étude datée de 2007, 97% des gens sont homophobes. Ma famille était très conservatrice et religieuse. Depuis que je suis enfant, j’entends des choses négatives sur les LGBTQI+ (3) et cela a été très compliqué pour moi de m’accepter comme je suis. J’ai dû me battre avec moi-même, cacher mon identité. Je devais contrôler la manière dont je parlais, dont je marchais, afin que personne ne remarque que j’étais et suis homosexuel. Cela m’a blessé et ma santé mentale n’était pas au beau fixe. Personne ne me disait : “Eh, Shukri, tu es normal tu sais, il n’y a rien qui dysfonctionne chez toi.” Non, ce que j’entendais depuis mon enfance, c’est que les personnes gays étaient des pécheurs, maudits, et qu’ils iraient en enfer. Grandir dans une communauté comme celle-là n’a pas été simple.

Obligé de me marier

Je suis arrivé à un point où mon oncle a voulu me forcer à me marier avec une fille. Si je ne n’acceptais pas, il m’a dit qu’il me dénoncerait à la police et m’enverrait en prison pour 3 à 15 ans, selon l’article 629. J’ai vu la colère sur son visage et son expression disait tout… Si je n’acceptais pas, j’allais en prison mais je ne pouvais pas non plus me marier. Me marier, cela ne correspondait pas à la personne que je suis. J’ai pensé à ma communauté qui certainement me tuerait s’ils l’apprenaient. J’ai donc décidé de quitter mon pays et de venir en Belgique pour m’exprimer, de la manière dont je le souhaitais. Je suis simplement un humain avec un rêve. Comme un autre être humain, je veux une vie normale, étudier et décrocher le job de mes rêves. Ma question pour tous les homophobes : si je ne fais du mal à personne, pourquoi ne me laissez-vous pas vivre ma vie en paix ? L’amour c’est simplement de l’amour. Depuis quand devrait-il être criminalisé ?

En Belgique

Ici, pour la première fois de ma vie, je fais plein d’activités, je rencontre de nombreuses personnes et je me suis fait un nouvel ami. Ils sont ma nouvelle famille, ma famille choisie. C’est la première fois que j’entends de la part de quelqu’un qu’il n’y a rien qui cloche chez moi, qu’on m’aime, qu’on m’accepte comme je suis. De chaudes larmes de joie ont coulé le long de mes joues. Grâce à eux, j’ai compris ce qu’était l’acceptation de soi et l’amour de soi qui grandissent de jour en jour. Ils m’ont donné de l’espoir.

(1) Cliquez ici pour découvrir les derniers travaux d’Amnesty autour de ce sujet. (2) L’Éthiopie est un pays Afrique de l’est. Il fait presque 37 fois la taille de la Belgique, est 14 fois plus peuplé. L’histoire de ce pays est très riche. C’est le seul pays d’Afrique à n’avoir jamais été colonisé. On l’appelle aussi le berceau de l’humanité, on y a retrouvé le squelette de Lucy, le premier homme de l’humanité (qui était une femme). On l’associe souvent à la famine qui l’a frappé il y a plusieurs années, mais ce pays reste avant tout un lieu riche de traditions. (3) LGBTQI + : Toutes ces lettres désignent les sexualités autres qu’entre une femme et un homme, un homme et une femme : L pour Lesbienne une femme qui a des relations sexuelles avec une femme, G pour Gay un homme qui a des relations sexuelles avec un homme, B pour Bi une personne qui a des relations sexuelles avec une femme ou un homme, T pour Trans, une personne qui est née avec un sexe qui ne correspond à celui de son coeur, Q pour Queer la traduction de ce mot est bizarre, une personne queer est une personne qui ne se reconnait pas dans l’hétérosexualité sans pour autant, ou pas, se définir comme gay ou lesbienne. I pour Intersexe, ce sont des personnes qui, lors de leur naissance, ne sont pas nées femmes ou hommes. + pour toutes les sexualités qui ne sont reprises dans cette définition.

Auteur : Shurki, 23 ans, Liège

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Chocolat & mozzarella : la mixité culturelle vue par un fils d’immigrés italiens

Chocolat & mozzarella : la mixité culturelle vue par un fils d’immigrés italiens

Si le grand-père d’Alexandre était amené à parler de ses lointains aïeux, il ne commencerait probablement pas par “Nos ancêtres les Gaulois…” mais plutôt par “Nos ancêtres les Romains…” Ce qui est plutôt pénible, c’est qu’encore et toujours, des individus le ramènent, le raccourcissent, le réduisent à ces lointaines origines.

”Je viens du Sud…”

« Je viens du Sud, et par tous les chemins, j’y reviens (1) », cette petite phrase ne vous dit peut-être rien, c’est le refrain d’une chanson, un peu ringarde, de Michel Sardou. Cette citation, c’est, un peu, l’histoire de ma vie : mes grands-parents italiens ont immigré en Belgique à la suite de la demande gouvernementale pour engager des mineurs et relancer l’économie belge (2). Je ne vous apprends rien : quand l’immigration est là, le racisme n’est jamais loin. La Belgique fait ressentir aux immigrés le fait qu’ils doivent – et non peuvent – s’intégrer en acceptant de nouveaux us et coutumes. Cette pression, mes grands-parents l’ont ressentie, mes parents l’ont ressentie, et je l’ai moi-même ressentie. Cela se traduisait notamment par des railleries de cour de récré : « Eh le rital, tu vas manger des pizzas ce soir ? », par des propos racistes : « Retourne dans ton pays ! » ou encore par des regards désapprobateurs lorsque ma mère me parlait en italien dans un lieu public.

Je suis toléré

Le simple fait de venir d’ailleurs m’oblige à m’adapter : on me tolère, mais on ne m’accepte pas. Je finis donc par effacer une partie de mon identité : ce qui faisait ma fierté quand j’étais enfant m’apparait désormais comme un fardeau que je dois porter. Je ne mange plus la cuisine italienne de ma maman avec le même entrain, j’exècre les musiques de tarentelle (3), je ne prends plus de cours de langue pour perfectionner mon italien, je trouve des excuses pour ne plus accompagner mes parents en Italie, etc.

S’effacer

Cette situation n’est pas souhaitable : je suis entièrement contre le fait de devoir effacer ma culture pour que l’on ne me fasse pas de réflexions dérangeantes. Pour moi, un changement sociétal est nécessaire : la différence de culture devrait être célébrée et non réprimée. Une des choses qui me procure énormément de plaisir est de faire découvrir à des amis le gout exceptionnel d’une mozzarella de bufflonne (4), les paysages à couper le souffle de la côte ou la joie de vivre avec laquelle vivent les Italiens.

À quand le mélange ?

Je dois cependant faire la part des choses : mes parents ont également exercé une pression sur moi en me forçant, en quelque sorte, à revendiquer une culture quand je n’en avais pas forcément envie. Je pense qu’ils avaient tant peur que nos racines s’évaporent, qu’ils se sont assurés que je mange italien, pense italien, me comporte en Italien. Selon moi, ce n’est pas une bonne chose non plus et cela peut même entrainer de l’animosité envers la culture du pays d’accueil. Combien de fois n’ai-je pas entendu mes parents dire, sur un ton condescendant, « Mon Dieu, c’est vraiment des Belges ceux-là. », comme si la nationalité belge était quelque chose de négatif. J’ai la conviction que si les nationaux font sentir aux immigrés (et soyons réalistes, ceux qui subissent le plus de discrimination ne sont plus, de nos jours, les Italiens) qu’ils sont acceptés (et non seulement tolérés), le problème sera en grande partie résolu. Je pense que la mixité culturelle est une chose magnifique qui nous permet de comprendre l’autre. La compréhension permet de ne plus avoir peur de l’autre, or comme dirait Maitre Yoda (5) : « La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine … mène à la souffrance. »

(1) Je viens du Sud est une chanson de Michel Sardou, parue en 1981. Elle a été reprise par Chimène Badi (France, 1982). (2) En 1946, à la sortie de la deuxième guerre mondiale, la Belgique doit relancer la machine industrielle. Pour nourrir cette machine, il faut l’indispensable charbon. Problème, les Belges ne veulent plus travailler dans les mines. Dans un premier temps, ce sont les prisonniers de guerre allemands qui descendront dans le trou mais quand, peu à peu, ils sont libérés. Il n’y a plus personne. La solution pour la Belgique ? Aller chercher de la main-d’oeuvre ailleurs. L’accord entre l’Italie et la Belgique est signé le 23 juin 1946. 50 000 travailleurs italiens travailleront dans nos mines. Un lien pour en savoir plus sur cette épisode de l’immigration. (3) Les tarentelles sont des musiques traditionnelles du sud de l’Italie. (4) La mozzarella de bufflonne est un fromage italien réalisé à partir du lait de jeunes vaches d’une race particulière, élevées de manière particulière, nourrie d’une manière, également particulière. (5) Maitre Yoda fait partie de la saga Star Wars, il est à la fois, le plus sage et le plus instruit de toutes les personnes de cet univers. Bien qu’ immensément doué dans le maniement des armes – et notamment le sabre laser – il est profondément pacifiste.

Auteur : Alexandre, 22 ans, Liège

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Rester vrai

Rester vrai

Devons-nous toujours nous adapter aux standards ? Correspondre à ce que la société semble attendre de nous ? Devons-nous plier aux rythmes exigés par l’école ou l’université ? Est-ce que, si je réponds positivement à ces questions, je serai heureux ? Les réponses de Gabriel, 23 ans, ne manquent pas de nuances.

« L’avenir commence demain »

Ce titre – celui d’un roman du célèbre Isaac Asimov(1) – rend, sans doute compte qu’il ne tient qu’à nous de modeler notre devenir. Quand on est jeune, il faut choisir une orientation professionnelle. À notre époque, on s’oriente souvent vers des études supérieures. Moi, j’ai commencé mes études par un bachelier en droit et me suis vite rendu compte que ça ne me convenait pas. La très grande rigueur de travail, je n’y étais aucunement préparé. Tout compte fait, je me rends compte que je n’étais formé ni renseigné sur ce monde. Lent et calme, autant dans mes gestes que dans ma réflexion, j’ai remarqué que c’était en contradiction avec le droit, avec le monde universitaire en général : j’aime prendre le temps de vivre. Étudier sans relâche, se vouer corps et âme à une tâche – dont on ne sait pas si elle sera fructueuse – est à l’opposé, aux antipodes, de ce que je suis.

S’adapter ou être brisé

Cette surchauffe, elle se ressent aussi dans les relations entre étudiant·e·s : on tisse des liens, mais ces liens ne sont que la conséquence de nos études. Au fil de mon année de droit, j’ai fini par m’isoler : je ne me sentais plus en phase avec la majorité des étudiant·e·s. J’avais l’impression que tout le monde se conformait, à la lettre, aux instructions données par les professeur·e·s. Mes interactions avec le reste du monde étaient de plus en plus restreintes jusqu’à ne plus aller, du tout, suivre les cours. Pendant un moment, j’ai tellement angoissé que je suis tombé malade. Peut-être que je me conditionnais ainsi à ne plus suivre les cours, ou peut-être que mon corps, habitué à vivre lentement, ne pouvait plus suivre le rythme. Je pense que mon comportement général ne se prêtait pas à l’ambiance qui régnait dans ces salles de cours, ces amphithéâtres. J’avais l’impression que les gens avaient un mode de vie bien supérieur au mien en terme de productivité. Ce cours de 300 pages à étudier en moins de deux semaines, quelle horreur, je n’aurais jamais le temps et hors de question de me dépêcher ! Le décalage était bel et bien présent. Moi, je respectais mon rythme ce qui impliquait de rendre des travaux en retard, de ne pas avoir étudié la quantité suffisante pour un examen, d’arriver en retard à un cours, voire de ne pas y aller du tout.

Se trouver, se retrouver

Au terme de cette année-là, j’ai décidé de me ressourcer, de voir si l’image de l’étudiant dysfonctionnel à laquelle je m’étais identifié était forcément vraie. Je me suis demandé ce que j’aimais vraiment faire, quelles étaient mes passions, mes convictions et après un long cheminement, j’ai su qui j’étais vraiment. J’ai changé d’études : du droit, je suis passé à la sociologie. Au départ, j’ai eu la même sensation qu’au début de mon année en cours de droit. Mais très vite, le fait de connaitre ma personnalité et d’avoir trouvé mon identité m’a permis de modeler ce monde afin d’en tirer le meilleur de moi-même. J’ai en quelque sorte fait ce qu’on me demandait sans pour autant me trahir. J’ai appris à faire abstraction du regard des gens. Je me suis intéressé à leurs motivations, à leurs objectifs et j’ai pu aussi m’ouvrir à eux. Par exemple, j’ai commencé à suivre des activités extraacadémiques telles que le sport au sein d’un club universitaire ou, plus récemment, j’ai rejoint le cercle de ma faculté. J’ai eu des conversations avec de nouvelles personnes lors d’évènements, mais j’ai également retrouvé d’anciennes connaissances, tout ça parce que je connais mon identité, mes qualités comme mes défauts. C’est ce qui ressemble à de la confiance en soi, je pense. Par après, je me suis ouvert à des personnes d’autres facultés, puis d’autres orientations pas forcément universitaires.

Réussir ?

D’ailleurs, pas besoin de faire des études supérieures pour réussir. Se définir par rapport à notre orientation professionnelle n’est pas une obligation. Ma personnalité ne doit pas correspondre au milieu dans lequel je suis. La peur de décevoir ne doit pas freiner nos projets ; aux termes du parcours, c’est moi que je décevrai si je ne suis pas mes convictions. Toutes ces expériences m’ont permis de comprendre mon identité et ce que je peux en faire. Je fais ce que j’aime, je réussis, mais à mon rythme. C’est ce dysfonctionnement propre à chacun qui me rend, paradoxalement, capable de trouver mon utilité ici-bas. En d’autres termes, restez vrai·e·s.

Isaac Asimov (Russie 1920, USA 1992), a été professeur à l’Université de Boston mais est surtout connu pour sa carrière d’écrivain de science-fiction. Avec John W. Campbell (USA, 1910-1971), autre écrivain, il a écrit “les Trois lois de la robotique”. Ces lois sont toujours d’actualité, non pas dans le domaine de la fiction mais dans le monde bien réel. Elles disent que : Loi numéro 1 : un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger. Loi numéro 2 : un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi. Loi numéro 3 : un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi. Un lien pour découvrir, gratuitement, les textes de ce fabuleux auteur.

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Auteur : Gabriel, 23 ans, Liège

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R 

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