Confinée, saison 2

Confinée, saison 2

Blanche a 24 ans, son confinement a quelque chose d’unique. Pour elle, c’est une prolongation d’une situation qu’elle connaissait déjà de manière intime et angoissante. Malgré tout, le message qu’elle partage est formidable d’espoir.

Pour moi, le confinement a un goût amer. Pas parce qu’il me sort de mon quotidien mais, au contraire, parce qu’il est présent depuis trop longtemps. Le matin du 12 mars, on m’a annoncé la rémission de mon cancer. Le même 12 mars, au soir, le pays se mettait partiellement à l’arrêt. Physiquement et psychologiquement, je m’étais préparée à sortir à nouveau en commençant un service citoyen(*) afin de retrouver un rythme quotidien. Aujourd’hui, j’ai l’impression que tout le monde s’est adapté au mien.

Il y a encore un mois, la connotation du verbe « sortir » était pour moi source d’angoisses. Le monde extérieur était devenu un lieu hostile, un terrain de jeu potentiel pour mes crises de spasmophilie, vertiges et autres joyeusetés, toutes des conséquences de mes traitements hormonaux. Sortir seule ressemblait alors à un fantasme, la faute à mes cognitions négatives et obsessionnelles qui me criaient que sortir, c’était prendre un risque. Changer ces cognitions en démarrant un service citoyen m’a demandé beaucoup d’efforts et j’ai peur que cette obligation de confinement les réduisent à néant.

Des psychologues estiment qu’une durée de confinement de plus de dix jours est prédictive de syndrome post-traumatique. Des numéros verts spéciaux pour le corona se sont donc mis en place mais, parfois plus forte que les angoisses intérieures, il y a l’angoisse téléphonique, et aussi souvent la sensation qu’on n’est pas légitime ou qu’on n’a pas assez de raison de demander de l’aide. Mais il n’y a jamais de mauvaise raison, elles se valent toutes. J’ai eu un épisode dépressif qui a été bien plus dur à vivre que toutes les douleurs physiques que j’ai connues. Ce que j’en ai retenu, c’est que nous ne sommes pas responsables de notre détresse psychologique.

Je pense à ceux qui souffrent du confinement, pour une raison ou pour une autre, que ce soit les personnes autistes qui doivent adapter leurs habitudes, ceux qui subissent la violence de leur conjoint ou de leurs parents, ou encore ceux qui subissent une addiction renforcée par la situation. Je pense à tous ceux qui culpabilisent de retomber dans de mauvais travers, de prendre des médicaments pour dormir, de ne pas travailler assez ou de ne pas profiter du confinement pour apprendre le grec ancien.

Je voudrais qu’ils puissent déculpabiliser, et moi avec. Chercher à vivre, avec ou sans aide (médicamenteuse ou humaine), mais vivre, malgré tout. Malgré les angoisses qui persistent, malgré le chagrin et la peur. Vivre malgré le confinement, les non-sens politiques, les cognitions négatives. Vivre malgré les deuils et la solitude. Vivre pour ne pas mourir, périr, pourrir. Vivre avec des anxiolytiques, de l’alcool, du chocolat, des antidépresseurs s’il le faut. Nous avons le droit d’être en détresse, d’être faible, d’être paresseux ou anxieux. Je fêterai mes 25 ans dans un mois, confinée et sous anxiolytiques s’il le faut. On n’est pas surhumain, on ne doit pas l’être. Humain, c’est déjà très bien.

(*) Le service citoyen est une expérience de vie, exceptionnelle, proposée aux jeunes de 18 à 25 ans. Durant six mois, ils prennent le temps de s’engager  dans une structure, une association solidaire, tout en réfléchissant à de quoi demain sera fait.  

A écouter aussi en podcast ici

Auteure : Blanche, bruxelles, 24 ans

Cet article a été écrit lors d’un atelier, virtuel, de Scan-R

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Augustin fait partie de ces jeunes qu’on croise parfois sur les ondes, dans les colonnes de l’un ou l’autre journal. Liégeois, il s’est beaucoup impliqué et s’implique beaucoup dans Youth For Climate. Comme d’autres, il a pris la plume lors de notre premier laboratoire social et médiatique. Entre désastre et astres, il bouge et rêve encore pour sauver ce qui doit l’être. 

Je commence avec une citation de Michel Rocard, un ancien premier ministre français : « Les catastrophes écologiques qui se préparent à l’échelle mondiale produiront les pires inégalités entre ceux qui auront le moyen de s’en protéger, pour un temps, et les autres. L’ampleur des catastrophes sociales qu’elles risquent d’engendrer a conduit à l’effondrement de sociétés entières par le passé. »

C’est la jeunesse qui te parle, en direct et en stéréo. Je suis la jeunesse rebelle, la jeunesse sauvage, la jeunesse qui a cette boule au ventre, cette rage. Et je ne parle pas de cette rage pointée contre tout et n’importe quoi, je parle de cette rage qui vous fait vous lever le matin, cette rage qui vous inspire à faire des choses avec toute la force que vous avez en vous. Et je ne renoncerai pas. Je suis acharnée, enragée, intraitable. Je rejoins les maquisards, les résistants. J’ai les yeux écarquillés en continu. Ahurie, ébahie du monde, je guette les équinoxes, les solstices, les printemps. Je serai l’utopiste qui n’échoue pas. Mais je ne suis pas forte. Je suis une équipe improbable. Mais je veux jouer un jeu différent. Parce qu’être parfaitement adapté à une société profondément malade n’est pas un bon indicateur de santé mentale. Parce que j’ai fait mon deuil. Parce que je n’ai plus peur.

Alors j’ai crié pour ma Terre. Je suis un bouillon d’humains survoltés. Mais les humains survoltés, ça se confronte aux avis contraires, moroses, conservateurs, effrayés, haineux. Et quand on me disait « je dois savoir, pourquoi fais-tu cela ? Qu’est-ce que tu espères accomplir en faisant tout cela ? » et moi je ne savais pas, je voulais juste changer le monde. Et rien ne semblait changer. Mais je voyais bien plus de force en moi que dans toutes ces politiques sans courage et sans cœur. Ça a de quoi vous dégoûter. Du système. Du monde politique. Des humains. Du monde. De tout. J’ai écouté Simon Puech. Il m’a dit « Pourquoi on ne se pose plus de questions ? Comme si tout cela était devenu notre mythologie. On détruit notre planète, notre esprit critique et nos ambitions. Et on l’accepte. Au royaume du beau, le faux est roi. L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. L’effondrement a enclenché sa marche infernale, et ce ne sera pas pour nos petits-enfants, mais bien de notre vivant que nous verrons la fin. Les dominos de l’apocalypse ont commencé à tomber. Tout ce qui est bon est mauvais, tout ce qui est humain est égoïste. Intelligente absurdité. Notre mode de vie est déjà mort. » Et j’ai eu mal.  

Tu sais, je me disais qu’aujourd’hui tout le monde s’ennuyait, et qu’on regardait, nostalgique, le ciel étoilé sous les lumières chaudes de la ville mélancolique. Je me disais que tout le monde était stressé, alors qu’on s’allongeait sous les étoiles blanches, et qu’on était apaisé, l’esprit comme cicatrisé, jusqu’à la prochaine défaillance.

Je me disais qu’on marchait sur des verres brisés et qu’on regardait les nuages veloutés 

Je me disais que l’on rêvait la nuit, que l’on marchait dans les rues, que l’on disait des banalités. Alors qu’on pourrait rêver le jour, que l’on pourrait marcher sur la lune, que l’on pourrait dire des astres, des planètes, des comètes.

Je me disais que ça pourrait être ça la vraie vie.

Auteur : Augustin, Liège, 18 ans

Cet article a été produit lors du premier laboratoire social et médiatique de Scan-R. 

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J’avais sept ans et j’ai quitté le Liban. Voici comment j’ai réussi à m’intégrer…

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Georges a grandi en Belgique. Malgré le regard des autres et la barrière de la langue, il a su s’intégrer. Mais le Liban de son enfance restera pour toujours dans son cœur.

J’avais 7 ans… On a dit au revoir à tout le monde, la famille et les amis et on a quitté le Liban. C’était il y a dix ans. J’étais triste et content à la fois. On est venu directement en Belgique car maman avait un contrat de travail. Elle est infirmière. Quand je suis arrivé à l’aéroport. Il faisait froid. Cela faisait une grosse différente de température avec le Liban où il faisait très chaud.

J’ai eu facile à m’adapter en Belgique. Au Liban, j’apprenais déjà le français à l’école. Ça a été plus facile pour m’intégrer à l’école. J’ai deux petits frères. A l’époque, ils étaient tout petits. Pour moi s’intégrer, c’est être actif dans un pays. C’est-à-dire participer aux activités, à l’école, a ce qu’on me propose.  Ce n’est pas trop dur, je crois que je réussi malgré le fait que je ne parle pas bien la langue. Très vite, les Belges ont essayé de faire en sorte de nous comprendre, même si le français était difficile. On souriait et on communiquait avec des gestes. 

En quittant le Liban, j’ai perdu ma famille. J’étais proche de mes grands-mères. Au pays, je restais chez elles avec mes deux petits frères lorsque mes parents travaillaient. Ce fut un déchirement. Je ne me pelle plus trop, mais elles m’ont transmis plein de choses, notamment la culture. Je pense notamment à la nourriture : les préparations au poulet. En arrivant, j’étais avec mon père et ma mère. Je n’étais pas seul. J’ai appris la culture belge. Pas les frites, car cela on en mangeait déjà de très bonnes au Liban. Je découvre que les habitants sont très gentils et respectueux en général. Ils parlent bien, ils sont souriants et ils font un petit peu la fête. C’est très différent de chez nous sur certains aspects. Nous sommes plutôt accueillants et solidaires. Je crois que c’est toujours important mais je ne le vois pas suffisamment parmi les Belges. 

Je ne pourrai jamais me passer du Liban. Nous retournons parfois avec la famille au village, là où j’ai grandi petit. La maison n’a pas changé. Il n’y a pas d’étage, le toit et plat, la face est blanche. J’aime beaucoup cet endroit. Je m’y sens chez moi. J’aime retrouver la famille et les amis. Il y a beaucoup de bonnes pâtisseries très sucrées. C’est trop bon ! 

Quand je vois de nouvelles personnes, on me demande d’où je viens. Ce n’est pas un problème pour moi mais ça me dérange car malgré les efforts, on ne me considère toujours pas comme belge. Pourtant, j’ai grandi dans ce pays. J’étais tout petit quand je suis arrivé ici. On se moque parfois de ma couleur de peau mais je n’y prête pas attention. Je m’en fou. J’ai juste envie qu’on me laisse tranquille car je suis comme vous tous : belge.  

Je me considère pour tout ça intégré. Cela fait dix ans que je suis ici, c’est mon pays la Belgique autant que le Liban. L’intégration est un mot compliqué. Renier mes origines, ce n’est pas possible et dire que je me sens complètement belge est impossible. Je pense simplement que c’est important de savoir d’où je viens pour savoir où je vais.

Je ne sais pas encore où j’irai. Si je reste en Belgique, c’est bien. Sinon, je verrai…

Auteur : Georges, 17 ans

Cet article a été réalisé lors d’un atelier Scan-R.

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Racisme peu ordinaire

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Depuis que Jérôme a écrit son article, il y a eu des changements en Italie. Le gouvernement ne réunit plus l’extrême-droite de Matteo Salvini et le Mouvement 5 étoiles, parti antisystème, de Luigi Di Maio. Le partenaire a changé, l’allié c’est désormais le Parti Démocrate, un parti de centre-gauche.  

Depuis son enfance, la grand-mère de Jérôme lui transmet les us et coutumes de l’Italie où elle est née. Il trouve cela riche et passionnant… Jusqu’au jour où la grand-mère explique qu’elle est convaincue par la politique anti-immigration de Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur Italien.  Comment réagir lorsque notre grand-mère, immigrée, soutient la politique anti-immigration de son pays d’origine ? Jérôme explique… 

Régulièrement, je suis invité, avec mes frères et sœurs, chez ma grand-mère italienne pour manger un délicieux repas traditionnel qu’elle nous a préparé ! Chez elle, la machine est bien rodée, et, à l’heure exacte, elle change de chaîne pour regarder le JT. Je me souviendrai toujours du 28 juin 2019 et d’un reportage en particulier. 

Ce jour-là, le journaliste expliquait que Carola Rackete, la capitaine du bateau “Sea Watch 3”, avait été arrêtée dans le port de Lampedusa, petite île du sud de l’Italie. Depuis 14 jours, elle était en mer avec 40 migrants à son bord.  Alors qu’elle n’en avait pas l’autorisation, cette jeune femme de 31 ans avait décidé de les débarquer dans ce port italien en Mer méditerranée. Cette Allemande a donc choisi de braver l’interdiction ministérielle italienne pour le bien des gens qu’elle transportait. 

Ma grand-mère me parle alors de la capitaine comme d’un pirate qui n’a aucun droit de voguer sur ces mers. Elle me dit qu’il est normal elle ait été arrêtée. Je suis étonné… Je constate par ces propos que cet acte fort suscite l’intérêt des Italiens et que, bien évidemment, le ministre de l’Intérieur du pays n’a pas attendu pour en faire un sujet de propagande auprès de son peuple en Italie et des Italiens qui vivent ailleurs dans le monde. C’est plutôt réussi car ses idées ont fait leur chemin, y compris jusque dans la tête de ma grand-mère, immigrée italienne résidant en Belgique… 

Les propos de ma grand-mère me surprennent. Le père de ma grand-mère est arrivé en Belgique, comme bien d’autres Italiens à l’époque, pour travailler à la mine. Il est venu avec sa famille. En Belgique, ma grand-mère s’est mariée avec un autre Italien, mon grand-père. L’immigration, ma grand-mère, elle sait ce que c’est. Je suis moi-même le produit de cette immigration. 

Depuis que je suis petit, ma grand-mère me parle beaucoup de l’Italie et de son village comme si elle y vivait toujours. Elle s’intéresse de très près à l’actualité italienne et va souvent dans le sens du pouvoir en place, et ce malgré les différentes mouvances populistes qui se suivent (et se ressemblent) !

Ce soir-là, après le sujet du JT, le débat fut ouvert. Je lui demande si elle trouve normal qu’il soit interdit de sauver des gens en mer ? Je la questionne pour savoir si elle aurait aimé devoir risquer sa vie pour rejoindre la Belgique ou si elle aurait trouvé ça normal que si quelqu’un l’avait aidée à rejoindre la Belgique il soit arrêté ? Je constate qu’elle ne me répond pas vraiment. Elle me dit que Matteo Salvini, le ministre italien de l’intérieur, parle bien et qu’il caresse le peuple dans le sens du poil, qu’il sait rameuter les foules. Pourtant, moi je ne vois en lui qu’un nouveau Mussolini, un fasciste !

Je lui ai alors dit que le problème, selon moi, ce n’était pas que les gens en sauvaient d’autres en mer mais bien que des autorités aient décidé qu’il serait désormais interdit de sauver les vies des migrants. Ce qui me tracasse, m’interroge aussi, c’est la question de savoir comment les informations sont traitées, en Italie, en Belgique et partout ailleurs…

Auteur : Jérôme, Charleroi, 20 ans

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R avec le Service Citoyen

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