Je ne suis pas mort !

Je ne suis pas mort !

Mourad a survécu à un incendie. Il raconte son combat pour revenir à une vie aussi normale que possible. Entre décès de personnes – très proches – et difficultés à reprendre le dessus, il nous emmène sur un chemin compliqué qu’il quitte maintenant, petit à petit, pas à pas.  

2017, avec la famille, on emménage dans une nouvelle maison. Quelques jours après, au matin, des ouvriers de la ville vérifient le compteur électrique. Vers 3 h du matin, il y a eu un gros problème. Tout le rez-de-chaussée s’embrase.

À mon réveil, à l’hôpital, je ne savais pas ce du tout ce qui s’était passé, où j’étais, je ne me souvenais de rien, de rien du tout. Je ne savais pas bouger et je n’avais aucune notion du temps. J’étais auprès de mon frère, hospitalisé lui aussi suite à l’incendie. Mon beau-père restait auprès de nous.

Très vite, j’ai compris qu’on me cachait des choses. Je posais des questions et quand j’avais une réponse, si j’en avais une, cela restait toujours très vague, très incomplet, très imprécis. Dès que j’ai pu le faire, alors que ma vue n’était pas encore complètement rétablie, je me suis connecté à Internet. Je voulais découvrir ce qu’on ne me disait pas. En arrivant sur mon profil Facebook, j’ai regardé mon mur et j’ai très vite compris que beaucoup, beaucoup de choses s’étaient passées.

Les messages de mes amis et de ma famille me souhaitaient du courage, ils me présentaient leurs condoléances… J’ai donc appris, via Facebook, que ma mère et un de mes frères étaient morts pendant l’incendie. J’étais resté cinq mois dans le coma.

De mon coma, je ne me souviens que de mon dernier rêve. Je faisais un concours de celui qui buvait le plus d’eau. Avant de me réveiller, dans mon rêve, j’en buvais tellement que je vomissais. Parmi les choses très compliquées, en plus de la perte de ma mère et de mon frère, le plus difficile a été de réapprendre le plus simple : manger, marcher, courir, sociabiliser. Souvent, j’ai failli tout lâcher : j’en avais marre de voir tout le monde faire des choses si facilement, alors que moi, en faisant 20 fois plus d’efforts, j’avais beaucoup du mal.

C’est mon caractère de têtu qui m’a fait tenir en me disant que personne ne ferait ma rééducation à ma place. C’est dans le Centre médical zeepreventorium que j’ai été rééduqué et aujourd’hui après ces immenses efforts, ça va beaucoup mieux.

Auteur : Mourad, Liège, 22 ans

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R. 

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Nana, c’est la « The Voice » de sa famille, de son quartier. Mais son manque de confiance en elle fait qu’elle est persuadée que, jamais, elle ne pourra faire se retourner les célèbres fauteuils rouges. Pourtant, tout pourrait encore changer…

Cette année j’ai envie de faire tomber des bouches en m’inscrivant à The Voice. Beaucoup de personnes me disent qu’il faut absolument que j’aille là-bas mais le souci, c’est que j’ai peur, peur de ne pas réussir…

Quand j’avais 5 ans, ma grand-mère chantait dans une chorale, pour tout le monde, et des berceuses rien, que pour moi. Ça me passionnait beaucoup. J’étais tellement fan qu’un jour, je me suis mise à chanter. Quand elle est morte, j’avais 7 ans et sa disparition a fait que j’ai perdu toute confiance en moi. J’ai vraiment eu du mal à m’en remettre. Mais le spectacle, mon spectacle devait continuer. Quelques années plus tard, à 12 ans, j’ai découvert les karaokés et j’ai tout de suite adoré. 

À 16 ans, un gars qui en organisait m’a proposé d’aller chez lui pour découvrir les vrais métiers du chant. Depuis, j’adore travailler avec lui, il m’a redonné confiance en moi. Il me guide, m’explique tout ce qu’il sait du métier. Ma mère n’a jamais été là pour moi dans le chant. J’avance seule dans ce projet. Avec celui qui est devenu mon manager, j’ai appris comment faire ressortir ma voix et me faire confiance dans le chant.

Maintenant, j’ai 18 ans et je vis à fond pour ma grand-mère. Après la tristesse, les questions et les doutes, je suis fière d’en être arrivée là ou je suis aujourd’hui et je voudrais toujours aller plus loin, beaucoup plus loin.

Quand je chante, j’ai cette palpitation dans le ventre. J’adore chanter, je n’ai jamais ressenti des trucs pareils. À chaque fois que je chante, je pense à ma grand-mère et je me dis : « Merci mamy. Merci d’avoir fait tout ça pour moi et merci grâce à toi, j’y suis arrivée ». Je crois que j’y suis arrivée, chaque fois que je chante, j’entends sa voix qui me dit : « Fais-le pour moi, tu t’en fous des autres. C’est toi, c’est à toi que tu dois plaire et pas aux autres ». ça m’a appris beaucoup de choses et maintenant j’ai super bien évolué.

Aujourd’hui, je me dis que c’est maintenant ou jamais ! Pourquoi ne pas essayer The Voice ? Je n’ai rien à perdre !

Auteur : Nana, Charleroi, 18 ans

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R. 

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Un chez moi …

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Regard blasé et paroles “cash”, Mélissa nous parle comme à un pote, tout en nous faisant comprendre que la boss…. C’est elle ! Elle l’affirme et s’affirme d’ailleurs : elle est adulte. Pas de quoi tromper tout le monde cependant. Sous son maquillage, ses piercings et son attitude, son visage poupin pointe. Un physique qui reflète son sentiment, sentiment d’être parfois prise entre deux mondes : celui des responsabilités, le monde des adultes, et celui où on l’infantilise. Comment se construire et grandir lorsque les fondations s’effritent ? La solution ? Elle vient avec un logement à elle, un « chez soi ».

La cité. Mon terrain de jeu. De jeu, et d’attente. Quand j’avais huit ans, je restais dans la rue jusqu’à 2 ou 3 h du matin. Non, ce n’était pas un choix. Si je restais dehors, c’est parce que ma mère était au café, et que je n’avais pas les clés pour rentrer. Alors je traînais… Chez des amis et surtout dans la rue. Avec ma mère, ça a toujours été dur. Très dur. Les années ont passé, j’ai vécu chez d’autres membres de ma famille, chez des amis… La maison familiale ? C’est « chez ma mère », pas chez moi. À 11, 12 ans, j’ai commencé à faire des conneries.

Maman où t’es ?

Les conneries, c’est voler un peu, fumer beaucoup et zoner à la folie. Et tout est vraiment parti en vrille quand mon parrain est mort. Il comptait énormément pour moi. Quand je n’étais pas bien, il était le seul à m’écouter. M’écouter et me comprendre. Il était toujours là pour moi. Quand les autres me rabaissaient, lui, il me soutenait. Quand il est parti, j’ai eu comme un vide. Je me suis mutilée. Et puis je me suis rendu compte que ça ne servait à rien. Je me suis fait virer de l’école. J’étais mal dans ma peau. Je ne faisais plus rien. Et puis j’ai décidé de me battre. Me battre pour m’en sortir. Ça a été dur, mais j’ai finalement trouvé la solution, et j’ai obtenu ce dont j’avais besoin et voulais pour m’en sortir.

Un toit à moi

J’ai réussi à avoir un kot. Une chambre, une cuisine et une salle de bain. Pas de colocataires. J’ai toujours dû me débrouiller toute seule, alors ça ne change pas grand-chose pour moi, mais au moins je ne me prends la tête avec personne. Je peux inviter des amis, sortir. Il y a des éducs pour nous surveiller parce qu’on est plusieurs jeunes à avoir un kot dans le même bâtiment, mais ils sont sympas et nous laissent vivre notre vie. Je ne parle plus à ma mère. Elle m’a empêché d’aller à l’enterrement de mon parrain à l’époque. Je ne l’accepte pas. Mais c’est de sa faute, si elle avait joué son rôle de parent, je n’en serais pas là.

Aujourd’hui, je suis responsable de mes actes. Avoir mon kot, ça m’a rendu plus mature.

AuteurE : Melissa, 16 ans

Cet article a été réalisé lors d’un atelier Scan-R AU SAS DE VERVIERs.

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De Conakry à Bruxelles, parcours d’un jeune réfugié

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Aujourd’hui Mamadou a 19 ans. Il est venu de très loin pour enfin arriver en Belgique et il n’est pas dit qu’il pourra y rester. Le 19 octobre, à Namur, avec l’aide d’une autre jeune, il a raconté son parcours depuis la Guinée Conakry jusqu’à Bruxelles. Il nous explique les étapes de ses pérégrinations vers un monde qu’il espère humain.

En février 2017, il y a eu à Conakry, en Guinée(1), plusieurs manifestations pour l’enseignement. Enseignants, syndicats et des élèves exigeaient de meilleures conditions de travail. Si l’accord a finalement été conclu, cela n’a pas été sans violences. Il y a eu cinq morts, quatre hommes, une femme. Mon grand frère participait à cette manifestation. Les policiers étaient là pour nous tabasser tout en disant que c’était nous qui provoquions leur violence…

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2010, le Président Alfa Condé (2), a créé des conflits entre les différentes ethnies de Guinée Conakry. Il dit, par exemple, que les Peuls (3), nous sommes des étrangers et nous ne sommes pas dans notre pays. C’est pourquoi, lors des manifestations, les policiers s’attaquent à nous : le gouvernement les encourage à le faire. Toujours lors de cette journée, ils ont saccagé tous les magasins qui se trouvaient au bord de la route. Lorsqu’ils eurent terminé, tout le monde était en colère. Mon père a discuté avec eux. Il a expliqué qu’il porterait plainte. Il a dit qu’il avait besoin de ce magasin pour nourrir sa famille. Les policiers ont répondu qu’ils s’occuperaient de lui avant qu’il ne porte plainte. Mon père leur a dit que c’était à eux de nous protéger mais qu’à la place. Ils nous persécutaient et nous violentaient.

Mon grand frère lui a dit qu’il fallait se clamer, qu’il n’y avait pas de justice… Un policier à ajouté… “Ce n’est pas parce qu’on vous laisse manifester que vous pouvez faire tout ce que vous voulez…” Un de ses collègues a rajouté… “Laisse, on va s’occuper de lui” Ils sont remontés dans leurs 4×4 et ils sont partis. Après, mon grand frère a dit qu’on devait rentrer chez nous. Quand nous sommes rentrés, mon grand frère a cuisiné, on a mangé et on est resté dans le salon jusqu’à 23 h. Mon père a refusé de manger, il était trop en colère. À 23 h 30, nous sommes partis nous coucher.

Un peu plus tard, pendant la nuit, on a entendu un bruit… On s’est dit que ça venait de plus loin… Nous ne pensions pas que les policiers étaient dans la maison… Après, on a entendu un coup de feu. Mon grand frère m’a attrapé et nous nous sommes cachés derrière la maison. On a entendu “Il faut aller voir dans l’autre chambre si les enfants sont là-bas…” 

La fuite 

À la gare, on a rencontré un monsieur qui nous a amenés chez lui. Il nous a dit qu’il allait nous aider, nous faire sortir de Guinée, pour notre sécurité. J’ai demandé à mon frère si on pouvait faire confiance à ce monsieur. Il m’a répondu que, le plus important c’était de sauver notre vie. Comme c’est lui, grand frère, je l’ai écouté…

Malgré tout, nous sommes allés nous coucher. Réveillés à 5 h du matin, le monsieur nous a embarqués dans sa voiture et il nous a amenés au Mali. Là, on a pris un bus pour la frontière entre l’Algérie et le Niger. Nous sommes restés six jours en Algérie après, nous sommes arrivés en Libye… Et on a été directement en prison… Les chauffeurs ont dit aux gardiens que nous n’avions pas payé notre transport… 

Mon grand frère a dit que non, mais les chauffeurs avaient dit qu’ils allaient nous aider mais en vrai, ils nous ont vendus et nous, évidemment, nous n’en savions rien. Pour sortir, il fallait payer… On a reçu un téléphone pour appeler en Guinée afin de demander de l’argent qui permettrait de nous faire sortir. “Tant que vous n’aurez pas payé, vous ne sortirez pas.” Après cela arrivèrent les coups… Pendant trois mois, on s’est fait frapper par les gardiens.

Sauvés ?

Un matin, un homme est venu demander des hommes pour travailler. Il a choisi mon grand frère et il lui a proposé de choisir quelqu’un pour travailler avec lui. Mon grand frère ne voulait travailler qu’avec moi. Je suis donc parti avec lui et pendant des heures, on a travaillé dans les champs. Quand le travail fut terminé, le monsieur nous a donné de l’argent. Mon grand frère l’a refusé… Ce qu’on voulait c’était de l’aide pour sortir de là. Le monsieur était d’accord de prendre des risques pour nous aider… Il nous emmène chez lui, nous donne de l’eau, à manger, on se lave… Il nous promet un endroit où nous ne serons pas maltraités, pas insultés, pas frappés, un endroit où personne ne nous fera du mal.

Après avoir fini de manger, on va se coucher jusqu’à 23h et là, il nous réveille mon frère et moi. Après que nos yeux aient été bandés, on monte dans la camionnette qui était devant chez lui. On a été débarqué au bord de la mer et on est rentré dans la file pour monter un à un dans les bateaux. Il y avait beaucoup de monde…

Tout seul

Je suis monté dans le bateau. Après moi, il n’y avait plus aucune place. Mon frère devrait en prendre un autre. C’était la nuit, c’était la première fois que je montais dans un bateau… et c’est comme ça que j’ai perdu mon frère. Aujourd’hui, je ne sais toujours pas si mon frère est monté dans un bateau ou pas.

De là, je suis arrivé en Italie, à Palerme, en Sicile. On nous a accueillis et on nous a mis dans un centre. Quelquefois, de nouvelles personnes arrivaient mais mon frère, toujours pas. Je suis resté 9 mois dans ce centre à l’espérer. J’ai posé des questions partout mais je n’ai aucune nouvelle.

Le Parc Maximilien

J’ai quitté l’Italie avec un Sénégalais. C’est avec lui que je suis arrivé en Belgique via la gare de Bruxelles-Midi. Il est parti chercher quelque chose à manger mais il n’est jamais revenu… J’ai rencontré un monsieur qui m’a dit d’aller au Parc Maximilien (4). J’y suis allé. Je suis arrivé le samedi 20 janvier et j’y suis resté jusqu’au mardi 23. C’est ce jour-là que j’ai fait ma demande d’asile. L’Office des étrangers (5) m’a donné l’adresse d’un Centre Fedasil (6). J’y suis allé mais je n’ai pas pu y rentrer parce que je n’avais pas fait de visite médicale. Je suis donc retourné au Parc Maximilien. De là, je suis reparti à la Porte d’Ulysse (7). Le mercredi 24, je suis retourné à l’Office des étrangers et j’ai expliqué que je n’avais pas pu rentrer faute de visite médicale. Je suis donc allé faire une visite médicale et suis retourné au Centre Fedasil. Là, nouvelle surprise, je n’avais pas été enregistré à l’Office des étrangers… Une assistante sociale m’a renvoyé là-bas. Je suis retourné au Parc Maximilien… Un chauffeur m’a ramené à la Porte d’Ulysse, j’y ai passé la nuit. Le jeudi matin, on m’a ramené au Parc et j’y ai passé la journée, ne sachant pas trop ce que je pouvais faire.

Une nouvelle famille

Le jeudi soir, j’ai rencontré ma famille d’accueil qui m’a hébergé qui m’a trouvé un avocat pour défendre mon dossier. Dans la famille, il y a Carmen, qui a le même nom que ma grand-mère et Nicolas. Le 14 février, j’ai été convoqué à l’Office des étrangers. Quand j’y vais, on me donne une nouvelle date pour un autre rendez-vous… Le prochain rendez-vous était pour juillet. Quand je m’y suis rendu, j’ai été conduit au Centre fermé 127 bis (8). Ils m’ont dit qu’on allait me ramener en Italie, le pays par lequel je suis arrivé en Europe… Avec mon avocat, on a fait un premier recours que nous avons perdu… On en a fait un deuxième qu’on a gagné mais cette décision n’a pas été acceptée par les autorités qui, à leur tour, ont fait appel… Au bout du compte, la justice m’a donné raison.

En attendant, j’étais toujours au Centre 127 bis… La famille qui m’accueillait a fait signer une pétition qui a reçu 6347 signatures mais nous n’avons pas dû l’utiliser. Quand je suis sorti du Centre, j’ai fait une demande de protection internationale. Après cela, il y a eu des confusions de l’Office des étrangers parce que les dossiers n’étaient pas à jour. Au bout du compte, j’ai été convoqué au CGRA (9) le 31 janvier 2019. Accompagné de mon avocat, j’ai dû expliquer pourquoi j’avais quitté la Guinée Conakry. Huit mois après, on a refait, exactement, la même chose avec mon avocat… Pourquoi est-ce que j’avais quitté mon pays…

Aujourd’hui, j’attends toujours la réponse… Est-ce que je peux rester en Belgique ou pas… J’ai suivi des cours de français, de néerlandais, d’intégration… Je fais du foot, je fais mon Service Citoyen (10), j’apporte mon aide dans un service d’accueil pour les personnes âgées. Je remercie ma famille qui m’a accueilli, mon avocat et les avocats qui défendent les droits humains, les associations d’hébergement et les citoyens belges.

 (1) La Guinée ou Guinée-Conakry est une république de l’Afrique de l’Ouest. Un tout petit peu plus peuplée que la Belgique, la Guinée est une ancienne colonie française. Selon la Banque Mondiale, le chômage touche 80 % des jeunes et un peu plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Elle est le 24ème pays le plus pauvre du monde. Dans son dernier rapport sur la Guinée, Amnesty International dénonçait “Cette année encore, les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants. Des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui s’étaient exprimées contre le gouvernement ont été arrêtés arbitrairement. L’impunité demeurait monnaie courante. Le droit à un logement convenable n’était pas respecté.

 

(2) Alfa Condé est Président depuis le 21 décembre 2010. Il est, et cela a son importance, de l’ethnie Malinké. Elle représente 30% de la population guinéenne.


(3) Plusieurs ethnies peuplent la Guinée, les Peuls sont les plus nombreux. Sous le régime de Sekou Touré, (lui aussi Malinké) et premier président du pays de 1958 à 1984, un million de Peuls fuirent la Guinée.


(4) Depuis 2017, le Parc Maximilien, situé près de la Gare du Nord, à Bruxelles, est le point de ralliement des réfugiés. 
La Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés y travaille dans le Parc Maximilien et ailleurs. Avec plusieurs centaines voire milliers de personnes pour leur proposer un accueil, des services, les aider à régulariser leur situation.


(5) La Direction Générale de l’Office des étrangers est compétente pour l’accès du territoire belge aux étrangers. Ses bureaux sont à côté du Parc Maximilien.


(6) Fedasil : derrière l’acronyme : l’Agence Fédérale pour l’Accueil des demandeurs d’Asile). Si le nom semble plutôt positif, c’est un peu plus complexe que cela. Son précédent ministre responsable était Theo Franken, qui a plusieurs reprises a défendu des positions douteuses voire racistes par rapport aux réfugiés. Il a aussi tout fait pour que la Belgique soit la moins accueillante possible et ce, à l’inverse des conventions internationales. Des centres Fedasil existent un peu partout en Belgique. Ce sont des endroits, parfois des anciennes casernes, où les réfugiés sont accueillis et aidés dans leurs différentes démarches.


(7) La Porte d’Ulysse est le centre d’hébergement de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés.

 

(8) Le Centre fermé 127 bis n’est pas une prison. Les personnes qui y sont enfermées n’ont pas commis de délits. Elles sont là suite à une mesure de l’administration en attente d’une expulsion du territoire.


(9) Le
CGRA, c’est le Commissariat Général aux Réfugiés et aux apatrides. Sa fonction “Octroyer et délivrer des documents aux hommes, aux femmes et aux enfants qui fuient la persécution, la guerre ou la violence.

 

(10) Le Service Citoyen permet aux jeunes de 18 à 25 de s’impliquer, très concrètement, dans une association et de vivre une expérience à la fois enrichissante, constructive et valorisante. Il permet aussi de prendre un temps de réflexion pour soi avant de mieux (re)bondir.

Auteur : Mamadou, 19 ans

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R

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Opération tutmaç

Opération tutmaç

Zilan aime beaucoup la photographie. Quand elle passe du temps dans sa famille de Turquie, elle aime prendre le temps de regarder tout ce qui se passe autour d’elle. Elle nous emmène avec elle et nous propose de la suivre dans la confection d’une recette typique de soupe au yaourt.

Un matin d’été, très chaud, dans mon village des montagnes du sud-est de la Turquie, côté kurde, la voisine appelle ma tante. Avec d’autres, elle veut préparer des tutmaç, petites pâtes carrées destinées à entrer dans la composition d’une yayla çorbasi(1), délicieuse soupe au yaourt. Pour moi, c’est l’occasion rêvée de dégainer mon appareil photo et de saisir les meilleurs instants de “l’opération tutmaç” !

À l’arrière de la maison, elles s’installent dans un jardin avec vue sur la montagne. On dit qu’autrefois, il y passait des combattants kurdes. Je me vois encore scrutant l’horizon dans l’espoir d’en apercevoir ne serait-ce qu’un seul et ainsi, de pouvoir le raconter fièrement aux autres. Ceci ne se produisant pas, je laisse toute mon attention aux préparations en cours, au parfait travail à la chaîne qui se déroule devant moi. Appareil en main, je les regarde toutes s’appliquer à la tâche et je prends des photos.

Une grande bâche bleue a été étalée sur le sol. Des petites tables, rondes et basses, ont été disposées. Les tâches sont réparties entre toutes les femmes et on se lance dans travail. Une première femme se charge du pétrin. Elle forme des petites boules de pâte qu’elle distribue à quatre autres femmes. Elles ont pour mission d’étaler, avec un long rouleau à pizza, cette pâte au maximum. Tout cela doit être aussi grand et aussi fin que possible. Enfin, ou presque, une sixième vient chercher les pâtons et les dépose, un par un, sur un gigantesque drap pour les faire sécher. Une fois que le soleil a fait son travail, elle les apporte à une toute dernière qui se charge de les entreposer et de les couper pour obtenir les fameux tutmaç.

Ce spectacle était inspirant et enrichissant. Il y avait cet esprit un peu spécial, ce travail d’équipe, cette entraide et ce but commun : préparer une super soupe pour tout le monde. Sous un soleil de plomb, elles travaillaient avec un immense sourire et parfois, avec un esprit de compétition pour savoir qui étalerait le plus de pâte en un minimum de temps.

J’ai saisi chacun de ces instants avec mon appareil photo. Après coup, me reviennent les sentiments ressentis au moment où l’obturateur s’est ouvert. Parfois, les personnes avec qui je partage mes photos sont gagnées par la nostalgie : elles leur donnent l’envie de retourner au village. J’estime alors que ce sont de bons et beaux clichés. J’ai su faire ressortir l’ambiance présente et j’en suis assez fière… Chose rare chez moi.

(1) Découvrez cette recette en cliquant ici.

Auteur : Zilan, BruXELLES, 25 ans

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R

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