Depuis sa naissance, elle vivait dans la peur et le rejet
Pourtant, ses parents lui avaient toujours dit que l’amour finit toujours par l’emporter sur la haine alors elle en donnait à qui voulait bien l’accueillir
Jamais on ne lui avait appris la signification du mot vengeance, pourtant, elle comprit très vite par elle-même les conséquences d’un simple mot
Un matin assombri par la folie des Hommes, sa famille plia bagages pour se rendre au Sud
Son sac à dos sur les épaules et son frère dans les bras, elle traversa cette bande de terre avec les siens
Partout où elle passait, elle croisait la mort et le feu dévastateur se nourrissant des larmes de pères, de mères, de frères, de sœur ayant perdu leurs proches
Dans son malheur, sa famille avait eu de la chance ; une tente et un bout de terre au milieu d’un camp suffisait à les empêcher de tomber dans le désespoir
Du haut de son jeune âge, elle avait hérité de la tâche la plus importante pour ses proches : leur ramener à manger
Mais les rations de nourriture se faisaient rares et les portions maigres
Alors elle avait pris l’habitude de diviser les rations en 3 pour 4 personnes s’effaçant devant la fragilité de sa famille
Elle avait beau n’avoir que 10 ans, elle avait déjà compris que toutes les vies humaines ne se valent pas
Elle qui avait l’air abandonnée par le ciel ne s’arrêtait pourtant jamais de prier, certaine que les éclaircies viendraient chasser le mauvais temps
Elle rayonnait dans un monde qui s’assombrissait
Son corps frôlait souvent les limites du supportable mais jamais il ne craquait, son esprit contrôlait sa douleur jusqu’au plus profond de son âme
Certains soirs, le défaitisme semblait mener une guerre sans relâche contre l’espoir mais ce dernier finissait toujours par gagner
Ses parents lui avaient toujours appris à se battre jusqu’à la dernière seconde où il était encore possible de s’en sortir
Alors dans ce camp abîmé, délabré, ravagé, elle en était sûre ; jamais elle n’abandonnerait !
Il était sûr de lui ; il ne laisserait jamais personne remettre en cause ses principes et valeurs
Ils étaient sa boussole, ils avaient toujours été le fil rouge de son parcours et de sa vie
Un soir imbibé d’alcool et de rêves, il se l’était promis : un jour, il porterait la voix d’un peuple trop souvent oublié ; un jour, il serait député
Jamais il ne trahissait ses engagements alors il donna tout ce qu’il avait pendant 3 ans pour accomplir sa promesse
Son dévouement finit par payer, il fit son entrée au parlement
Fasciné par les moulures au plafond et les sièges en bois où les plus grands s’étaient assis par le passé, il ne se laissa pourtant pas impressionner
Il travaillait jours et nuits pour être le porte-parole des citoyens qui lui avaient fait confiance
Mais un beau matin assombri par la vengeance meurtrière des Hommes, il appris la nouvelle
Le massacre avait commencé aux portes de l’Europe
Il avait beau ne pas avoir de liens avec ce peuple meurtri, il se sentait investi d’une mission
Les mots « cessez-le-feu » étaient les seuls qui sortaient de sa bouche avec force
Il espérait que ses discours rallieraient ses homologues mais, très vite, l’espoir céda le pas au défaitisme
Les semaines passaient et rien ne changeait
Le silence de certains le brisa de part en part au point de faire voler en éclats son miroir un jour où il n’assuma plus son image dans la glace
Ses pieds ne lui avait jamais semblé aussi lourd en entrant au parlement chaque matin
Les vieux sièges en bois ayant accueilli les plus grands humanistes de son temps lui procuraient un sentiment d’imposture impossible à combattre
Les moulures au plafond n’étaient plus que le symbole d’une richesse financière méprisant la richesse humaine
Chaque nuit, ses principes et valeurs venaient toquer à la porte de sa conscience remplissant ses nuits blanches d’idées noires
Le manque de sommeil conjugué à sa dissonance interne l’usait jusqu’à à la corde
Alors il en était désormais convaincu ; bientôt, il abandonnerait.