Lettre à une âme en partance

Lettre à une âme en partance

Bonjour très chère amie,
J’ai appris que tu envisages de quitter ta terre natale. Oui, tu comptes partir loin, t’exiler. Tu veux fuir, échapper aux griffes de l’oppresseur, aux regards durs et aux jugements étroits qui pèsent sur tes choix. Je comprends. C’est un poids que l’on ne peut plus porter lorsque l’on a déjà le cœur enchaîné par tant d’injustices.
Là-bas, dans ce pays où l’on ne jugera pas ton amour, où l’on tolère enfin ce que l’on t’a appris ici à cacher, tu seras libre. Libre de marcher la tête haute, libre de ne plus trembler chaque fois que ton regard croise celui d’un autre. Libre d’aimer sans avoir peur d’être puni pour ce qui, pourtant, est le plus beau des sentiments.
Mais avant de partir, je t’en prie, n’oublie pas d’emporter avec toi les preuves de ton histoire. Je sais, c’est étrange de devoir prouver qui l’on est, de porter des documents pour légitimer sa propre existence. Mais là-bas, on te demandera de raconter ta douleur, de la mettre en mots, presque en spectacle. Ils ne sauront peut-être pas voir les cicatrices invisibles que l’on t’a laissées. Alors, prends garde, apporte avec toi les lettres, les photos, les confidences, les morceaux de ta vérité. Sans eux, cette liberté tant espérée pourrait s’évanouir aussi vite qu’un mirage.
Pourtant, ce n’est pas le plus difficile, n’est-ce pas ? Le plus difficile, c’est de partir sans savoir ce que l’on laisse vraiment derrière soi. Il y a quelque chose d’étrange, de presque cruel, à se sentir libéré. Comme si, une fois hors de la prison, on finissait par ressentir un étrange manque pour les barreaux familiers, les menottes qui, même douloureuses, nous tenaient encore attachés à un passé connu. On s’habitue à la cage, et parfois, c’est elle qui nous définit. C’est fou, oui, mais lorsque le silence remplace le bruit des chaînes, il arrive qu’on se sente encore plus seul.
Alors, avant ton départ, dis au revoir à ceux que tu aimes. Embrasse-les longuement. Ne te contente pas d’un simple geste de la main. Dis-leur tout, même ce que tu n’as jamais osé dire. Ils ne comprendront peut-être pas, ou peut-être qu’ils feront semblant, mais laisse-leur une dernière trace de toi. Parce que même si tu pars loin, ta terre natale vivra en toi. Ses ombres te suivront parfois, dans les nuits sans sommeil, dans ces instants où la liberté te semblera avoir un goût amer.
Je t’écris avec toute la tristesse du monde, car je sais ce que tu laisses derrière toi. Je sais aussi que l’exil n’est jamais un choix de gaieté. Mais je te souhaite, du fond du cœur, de trouver là-bas ce que tu cherches : la paix, la reconnaissance, et surtout, l’amour qui ne cache pas son nom.
Pars avec courage, pars avec dignité. Et souviens-toi que ce départ, même s’il brise quelque chose en toi, est une promesse pour un avenir pas forcément meilleur.
Avec toute mon affection,
K.T

Auteur : Kevin Tedah, 26 ans, Liège

CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT SUITE D’UN ATELIER SCAN-R.

Et d’autres récits

La famille est un pilier pour soi ?

La famille est-elle un pilier pour soi ? Est-elle utile pour son développement personnel ? Pour moi, je pense qu’elle participe à la construction comme à la déconstruction de son image, de sa...

Positive folie

La folie est positive dans la vie de tous les jours. Sans s’amuser, on ne peut pas créer. La folie apporte du bonheur, du baume au cœur, auprès de personne ayant un mal-être. Pour moi, c’est oser...

Pourrais-je vivre dans un monde sans magie ?

J’ai toujours été une grande rêveuse, une petite fille distraite avec une imagination débordante, m’inventant des vies plus folles les unes que les autres dans des mondes encore plus fous. De...

Suis-je le mal aimé ?

J’ai toujours eu peur de ne pas trouver la personne qui me correspond. Je ne sais pas vraiment dire pourquoi, ça a toujours été un problème. J’ai quelques idées comme le fait que quasi tous mes...

Mouton ou pas ?

Scan-R rencontre des adolescents à Lierneux. A partir d'un texte nommé Troupeau de Moutons, les jeunes s'expriment sur la différence. Nos choix, Anonyme, 14 ans, Lierneux « Même si les gens me...

L’instinct maternel

Mon plus beau souvenir à l’école, ça remonte à quand je m’occupais des plus jeunes que moi, en primaire. M’occuper des plus jeunes me permettait de passer du temps avec mes amis qui le faisaient...

Il est temps de finir plus tôt

Le plus injuste à l’école, c’est de finir l’école tard. Si je le pouvais, je parlerais avec un éducateur pour finir plutôt vers 14h. Pourquoi ? Pour avoir plus de temps à passer avec ma famille et...

Changement !!!!!!

Le cyberharcèlement, est un sujet qui nous touche et que l’on voudrait arrêter. On pense que beaucoup de gens se font cyberharceler, plus que d’autres. C’est trop normalisé, les gens le font en...

Une voie de guérison

Aujourd’hui, le métier d’éducateur continue à souffrir de manière chronique et durable d’un manque de reconnaissance et de légitimité. Pourquoi la société continue à ne pas leur en offrir ? Pourquoi...

L’espoir d’une société solidaire et combative

J’ai toujours cru en l’engagement des personnes et en la solidarité humaine. Entre les guerres, les problèmes climatiques, les répressions de toute part ou encore les politiques autour de nous qui...
Le futur sans papier

Le futur sans papier

Entre désillusion, solitude et espoir, Fatime nous raconte son voyage, du Maroc à la Belgique, en passant par la Roumanie, en quête d’un meilleur avenir…

Je m’appelle Fatime, je suis d’origine marocaine. Je suis musulmane. Je suis en Belgique depuis 8 mois. Je suis venue chercher ici l’éducation et la formation. C’est l’année dernière que j’ai pris la grande décision de quitter le Maroc. Il n’y avait pas de perspective pour moi. J’ai décidé de quitter ma maison, mon pays, mes parents, mes amis, ma famille. C’était la décision la plus difficile de ma vie. Mais c’était la bonne décision. J’ai d’abord obtenu un visa d’étude en Roumanie. J’y ai vécu trois mois mais le système scolaire et la culture n’étaient pas bon pour moi. J’ai alors décidé de tenter ma chance en Belgique. 

Je suis seule, sans amis, sans famille. C’est tellement difficile. Heureusement, j’ai trouvé en Belgique des personnes qui me ressemble, qui parlent ma langue, me comprennent, ont la même culture que moi. J’ai tellement peur, tous les jours, heureusement que des gens m’aident. 

Quand je pense à mes parents, je suis triste… Ma sœur m’a rejoint et c’est plus facile maintenant. La principale difficulté que je rencontre est le manque de papier. Je ne peux pas travailler, étudier, sans ces papiers. Je ne peux pas non plus retourner au Maroc voir ma famille. Je ne désespère pas, j’espère un jour obtenir un titre de séjour. 

Je veux arriver à mon objectif : terminer mes études et travailler en Belgique. 

Si je devais dire quelque chose à la Belgique? Faciliter l’obtention de papier pour des jeunes comme moi qui ne veulent que travailler. 

Auteure : Fatime, 21 ans, Liège

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R

Et d’autres textes de la catégorie raconte-r

Question d’identité

La vie est un drôle de jeux. Une drôle de phrase, pour une drôle de situation qui bien souvent, fait rire jaune. Du simple moment embarrassant jusqu'au « mais qu’est-ce que je fou là ? ». La vie,...

Origine du mal-être

Violentée Mon texte parle de mon mal-être. Etant petite, mon père n'était jamais à la maison, souvent dans les cafés, dans les buvettes de foot... Il rentrait, souvent ivre et violent, le plus...

Mon arrière grand-mère

J’écris pour Françoise ou Bouboune dans un langage plus familier ou encore panthère dans le monde du scoutisme. Je veux d’abord commencer par m’adresser à toi Françoise, une force à l’état pur,...

Mon combat contre l’anorexie

L'anorexie est une maladie qui touche de plus en plus de personne, aussi bien les garçons que les filles. Pour beaucoup de personne, l'anorexie est un physique, or, c'est avant tout une maladie...

Ce corps qui est mien mais ne l’est pas

Scan-R a pour objectif de donner la parole à tous les individus, sans différence et discrimination, dans le but de sensibiliser et améliorer le vivre ensemble. Un jour, je changerai mon corps. Je...

Reconstruction

Quand j’étais petite, mes parents se disputaient souvent. Un jour, ma mère est partie de la maison et est partie vivre chez mes grands-parents. Elle est partie sans rien dire, je crois qu’elle...

Le futur sans papier

Entre désillusion, solitude et espoir, Fatime nous raconte son voyage, du Maroc à la Belgique, en passant par la Roumanie, en quête d'un meilleur avenir... Je m’appelle Fatime, je suis d’origine...

Fuir la guerre

Sabreen, réfugiée palestinienne nous parle de son exil à travers son texte, rempli de résilience et d'espoir. Je m’appelle Sabreen. Je suis palestinienne. Je suis arrivé en Belgique en 2019, déjà...

Exorcisée

Exorcisée Le mot « sorcière » est encore très tabou dans mon entourage et plus globalement dans le mon arabe et nord-africain. Pourtant, avant que l'Afrique du Nord ne soit colonisée par les Arabes...

Alien, l’étrange étranger

Petit détour par wikipédia pour trouver une définition du mot “Alien” : [a.ljɛn] est un terme anglais issu de l'ancien français signifiant « étranger » au sens large (ce mot a toujours ce sens,...

Média d’expressions
Individuelle et collective
Destiné aux jeunes
En Fédération Wallonie Bruxelles

Scan-R est soutenu par

Pour être informé des activités de Scan-R

Fuir la guerre

Fuir la guerre

Sabreen, réfugiée palestinienne nous parle de son exil à travers son texte, rempli de résilience et d’espoir.

Je m’appelle Sabreen. Je suis palestinienne. Je suis arrivé en Belgique en 2019, déjà trois ans…Dans mon pays, la guerre m’a forcé à partir. Une guerre sans fin… Beaucoup de gens autour de moi sont morts. Cette abondance de sang et de destructions m’a poussé à quitter ma maison, mon foyer. J’avais peur pour mes enfants.

En Belgique, j’ai trouvé la paix. J’habite dans un endroit confortable, il n’y a pas de guerre, il n’y a pas de sang. Je n’entends pas les fusées, les avions, je n’entends pas les morts.

Les gens en Belgique sont gentils, sympas. La nature est belle. Je veux que mes enfants apprennent et deviennent médecins. Je veux moi-même apprendre et travailler comme lorsque j’étais en Palestine.

La chose la plus difficile est d’être loin de ma famille, surtout de mes parents. J’espère revoir ma mère un jour. Je suis heureuse d’être ici, mais tellement triste d’être loin d’elle.

Le moment le plus difficile pour moi a été mon arrivée en Belgique. Je ne connaissais personne, je ne comprenais pas la langue. Beaucoup de gens m’ont aidé.

Pour cela merci. Merci à la Belgique de m’accueillir. La Belgique est le pays de l’amour et de la paix.

Auteur : Sabreen, 29 ans, Liège

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R

Et d’autres textes de la catégorieraconte-r

Question d’identité

La vie est un drôle de jeux. Une drôle de phrase, pour une drôle de situation qui bien souvent, fait rire jaune. Du simple moment embarrassant jusqu'au « mais qu’est-ce que je fou là ? ». La vie,...

Origine du mal-être

Violentée Mon texte parle de mon mal-être. Etant petite, mon père n'était jamais à la maison, souvent dans les cafés, dans les buvettes de foot... Il rentrait, souvent ivre et violent, le plus...

Mon arrière grand-mère

J’écris pour Françoise ou Bouboune dans un langage plus familier ou encore panthère dans le monde du scoutisme. Je veux d’abord commencer par m’adresser à toi Françoise, une force à l’état pur,...

Mon combat contre l’anorexie

L'anorexie est une maladie qui touche de plus en plus de personne, aussi bien les garçons que les filles. Pour beaucoup de personne, l'anorexie est un physique, or, c'est avant tout une maladie...

Ce corps qui est mien mais ne l’est pas

Scan-R a pour objectif de donner la parole à tous les individus, sans différence et discrimination, dans le but de sensibiliser et améliorer le vivre ensemble. Un jour, je changerai mon corps. Je...

Reconstruction

Quand j’étais petite, mes parents se disputaient souvent. Un jour, ma mère est partie de la maison et est partie vivre chez mes grands-parents. Elle est partie sans rien dire, je crois qu’elle...

Le futur sans papier

Entre désillusion, solitude et espoir, Fatime nous raconte son voyage, du Maroc à la Belgique, en passant par la Roumanie, en quête d'un meilleur avenir... Je m’appelle Fatime, je suis d’origine...

Fuir la guerre

Sabreen, réfugiée palestinienne nous parle de son exil à travers son texte, rempli de résilience et d'espoir. Je m’appelle Sabreen. Je suis palestinienne. Je suis arrivé en Belgique en 2019, déjà...

Exorcisée

Exorcisée Le mot « sorcière » est encore très tabou dans mon entourage et plus globalement dans le mon arabe et nord-africain. Pourtant, avant que l'Afrique du Nord ne soit colonisée par les Arabes...

Alien, l’étrange étranger

Petit détour par wikipédia pour trouver une définition du mot “Alien” : [a.ljɛn] est un terme anglais issu de l'ancien français signifiant « étranger » au sens large (ce mot a toujours ce sens,...

Média d’expressions
Individuelle et collective
Destiné aux jeunes
En Fédération Wallonie Bruxelles

Scan-R est soutenu par

Pour être informé des activités de Scan-R