Loïc aura eu besoin d’un peu de temps pour découvrir et aimer l’art. Aujourd’hui, musique, musées, tout y passe ! Plus encore, cela peut nous rapprocher les unes des uns et des autres et nous faire voyager dans le temps.
Pas fan à la base
Quand j’étais enfant, je détestais les musées. Je me sentais oppressé. Oppressé par un savoir qui me dépassait. Alors, au lieu de focaliser mon regard sur les peintures, j’observais minutieusement les visiteuses et visiteurs, se pavanant de tableau en tableau. Ils et elles bougeaient, parlaient, respiraient. Les tableaux, eux, restaient muets et ça ne me convenait pas.
L’art c’est le …
Durant mon adolescence, j’ai suivi une longue formation de piano classique. Comme j’étais d’un naturel studieux, mon niveau évoluait rapidement, mais cet apprentissage restait de l’ordre du simple loisir et non de la véritable passion. À la fin de mon cursus secondaire, deux évènements concomitants remirent en question ma relation avec les beaux-arts. Lors de la dernière heure de cours d’un vendredi pluvieux, une dissertation, un travail d’écriture, d’argumentation et de réflexion est à l’ordre du jour. Il s’agit de commenter en quelques lignes une citation de Malraux (1) : « L’art, c’est le chemin le plus court de l’homme à l’homme ». Sur le moment même, ce postulat, cette déclaration n’a pas retenu mon attention… Ce qui ne l’empêcha pas, les jours suivants, de résonner dans ma tête. À la même époque, je découvre par hasard que les concerts de l’Orchestre Philharmonique de Liège sont gratuits pour les jeunes (2). Suite aux recommandations d’un ami mélomane, qui me disait que « j’allais regretter toute ma vie de ne pas profiter de cette opportunité », je décide donc de m’y rendre, non sans appréhension.
Je commence à comprendre
Progressivement, mon aversion envers l’art s’est estompée. Il m’a fallu du temps pour mettre des mots sur ce mystérieux changement de paradigme, de point de vue. En réalité, je me rendais compte que l’art était profondément humain, qu’il connectait les Hommes dans le temps et dans l’espace. À l’heure de la consommation effrénée des mass-médias, du règne de l’instantanéité, quelques tableaux, quelques œuvres, ont traversé les siècles. Ces petits fragments d’éternité participent à la création d’un monde commun qui résiste au passage du temps et n’est plus soumis au rythme de la nature. Plusieurs générations qui m’ont précédé se sont également retrouvées face à cette œuvre. Elles ont éprouvé des émotions. Elles ont exercé leur faculté de jugement, de gout. Cette permanence me fascine.
L’art nous rassemble
L’art nous relie aussi dans le présent. Des femmes et des hommes des quatre coins de la planète se bousculent aux portes des musées. Notre premier réflexe, lorsque nous aimons une œuvre, est souvent de susciter un débat, d’essayer de faire naitre chez autrui l’expérience émotionnelle que nous avons ressentie. « As-tu vu le dernier film de Quentin Tarantino (3) ? Il est génial » « Écoute le dernier album de Cabrel (4), c’est incroyable » « Regarde cette peinture, elle est magnifique ». L’art est donc une expérience publique, il sert de socle au dialogue, et crée des passerelles entre les humains. Aujourd’hui, j’ai 20 ans, et quand je rentre dans un musée, les tableaux bougent, parlent et respirent.
1. André Malraux (France, 1901-1976) avait plus d’un chapeau sur la tête. À 18 ans, il publie un premier livre Lunes en papier; à 20 ans, après s’être marié, il est arrêté et emprisonné au Cambodge, un pays d’Asie du Sud-Est pour trafic d’art. Après avoir été libéré grâce aux soutiens du monde littéraire français, il s’engage dans un premier contre la colonisation, de nombreux autres suivront, notamment contre le fascisme. En 1933, il gagne le prix Goncourt pour son roman La condition humaine. Soldat pendant la seconde guerre, il est fait prisonnier, s’évade et rejoint la résistance. Après guerre, il écrit encore et toujours et s’engage en politique. Durant neuf ans, il sera ministre des Affaires culturelles. .
2. On espère que ce sera toujours le cas pour les moins de 16 ans quand se terminera cette drôle de période.
3. Quentin Tarantino (USA, 1963) est un cinéaste américain. Dans ses films, souvent très violents, comme Pulp Fiction, ou Django Unchained, il apporte un grand soin aux dialogues, aux choix musicaux. Plutôt présentés comme des livres, ils sont découpés en chapitres et non en parties.
4. Francis Cabrel, (France, 1953), est un auteur-compositeur-interprète très populaire. On lui doit, par exemple, le morceau La Corrida, titre contre cette lutte, assez particulière, entre l’homme et le taureau.