L’humanité cette belle immunité

L’humanité cette belle immunité

Le parcours de Célia (le prénom a été changé) est compliqué, très compliqué. Aujourd’hui, c’est en prison qu’elle se trouve. Malgré tout, malgré ce parcours qu’elle ne conteste pas, malgré les conditions déshumanisées de son actuelle existence, elle garde une envie d’avenir, un truc qui brille dans les mots qu’elle partage.

Neuf mètres carrés.

Dans ma vie, en 27 ans, j’ai dû faire face à une succession d’évènements pas évidents. Quand j’y repense, ce qui m’a permis de garder la tête hors de l’eau, c’est l’espoir. Cette part d’humanité, de vie qui résonne en moi et m’a aidée à surmonter divers moments tragiques. Face aux horreurs dans le monde, aux maladies, je me pensais immunisée. Pour moi, ce qui se passait ailleurs ne m’atteindrait pas. Jusqu’à ce que les “autres”, ce soit moi, je pensais que ce qui arrivait aux autres ne me concernait pas. Je me suis tellement oubliée que j’en ai perdu pied, perdu la raison et ai fini en prison. L’éternelle passionnée a basculé dans la criminalité, réduite au statut de danger. J’erre dans le monde comme une morte vivante, les 9 mètres carrés de ma cellule représentant mon cercueil. Ma personne, mon identité propre est oubliée, au point que le prénom que mes parents m’ont octroyé, par moment, s’est effacé, comme un bref souvenir du passé. Parfois je me dis que je ne suis plus qu’un numéro. Mon sourire a laissé place aux larmes. Avant j’espérais encore de la vie. D’une ode à la vie, je suis passée à une ode à l’ennui. Mes forces s’amenuisent, mes rêves se brisent, un peu comme ce qui bat en moi.

Continuer de croire qu’un beau jour ça ira ?

L’espoir que j’ai toujours eu en moi commence à s’évaporer. Ma réalité est trop dure à surmonter et l’envie d’accomplir mes rêves s’est éloignée. C’est au travers de ceux qui croient en moi que je puise la force d’avancer, les miennes sont épuisées. De ma naissance à ce jour sous les verrous, je n’ai cessé d’y croire. Croire que tout finirait par passer. Mais face à mon miroir, face à l’univers carcéral dans lequel je vis, ce n’est pas facile de ne miser que sur l’espoir quand tout mon être va mal. Avant que ma vie ne prenne une tournure dramatique, je menais une routine au service d’autrui. J’ai grandi ainsi, je n’aurais pu faire autrement, vivre en pensant à moi, ça, je n’ai pas appris. Avec le temps et les années qui ont défilé, j’ai réalisé que je me suis mise à côté de ce monde, de son décor. Aurais-je pu, plus tôt, en prendre conscience ? Je ne pense pas. Plus jeune, je ne posais pas ces questions.

Entre quatre murs.

Parler de soi, penser à soi, entre mes quatre murs, ce temps s’est offert à moi pour me permettre de mettre des mots sur des blessures que j’aurais préféré laisser au passé. Tel un vague souvenir de ce que j’aurais aimé ne pas avoir à vivre. M’ouvrir est un périple qui m’a sauvé, mais qui à présent me détruit, mon corps tombe en ruine. Sa vie, on ne la choisit pas, par contre, il appartient à tout un chacun d’imaginer son avenir, le rêver et façonner ses envies pour parvenir à leur donner vie. Pourvu que cela arrive. Sentiment particulier de voir ceux qui, depuis le début, ne font que me soutenir et m’aider. Trop pudique pour leur partager qu’ils représentent mon oxygène, mais à ma façon je leur livre les tréfonds de mon cœur, endroit dans lequel moi-même je ne m’étais jamais aventurée. Ce geste pour leur signifier que je les aime. En eux, je me revois moi, Célia. Avec eux, je suis entièrement redevenue moi. À travers leurs espoirs, je parviendrai à être la meilleure version de moi-même.

Entre attente et espoir

Désespérément, j’attends ce moment, cet instant où l’on m’annoncera qu’il est temps de rentrer chez moi. Mais ce moment n’arrive pas. Ma santé me lâche, que restera-t-il de moi quand cette réalité arrivera ? Du plus profond de mon âme, je garde espoir que ça ira. En dépression par un excès de répression. “On” te demande de t’en sortir mais dans un environnement sous tension, c’est pas top niveau pour mon évolution. Je suis en détention, l’humanité est négligée, simplement oubliée, pourtant elle fait partie intégrante de ma propre raison de croire à un avenir qui n’attend que moi pour enfin exister. Oui, cette espérance est ma plus noble immunité.

Auteure : Célia

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R

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De l’IPPJ à la Croix-Rouge

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Difficile de savoir où nos pas nous conduisent… Pour Benjamin, qui se définit, au début de son récit, comme un « gamin de cité », il passera d’une face à l’autre, de la destruction à la réparation, à la reconstruction. Après avoir baigné dans une violente délinquance, il a décidé de s’engager positivement pour le reste de sa vie. Rencontres et projets l’aident à construire son quotidien et celui de l’autre.

Ceci est mon histoire. À 13 ans, j’ai fait des conneries dont je ne suis pas fier. À l’époque, j’étais dans une bande de copains. Avec eux, j’ai fait les 401 coups : je me suis battu, j’ai cassé des voitures et bien d’autres choses de « jeunes de cités ». Un jour tout a basculé. Alors que je me promenais dans la rue, j’ai entendu des cris et je me suis approché. C’était mon bon pote, il était en train de se faire engueuler par ses parents. Ils avaient découvert des vidéos. Sur ces vidéos, on nous voyait en train de commettre les conneries citées plus haut. J’ai tout de suite compris ce qu’il se passait : une victime était là aussi, elle montrait ce que nous faisions. J’ai pris la fuite.

Le déclic
Quelques semaines après, j’ai eu droit à une descente de police chez moi. Les forces de l’ordre ont tout retourné et fouillé mes affaires pour trouver des preuves. Ensuite, j’ai été arrêté. J’ai été interrogé durant de longues heures, ça n’en finissait pas. Je niais des faits que je savais pourtant bien avoir commis. Je gardais la tête haute. J’espérais qu’ils lâchent l’affaire et j’espérais même une libération. Cela ne n’est pas passé comme cela… J’ai été placé en garde à vue et j’ai passé la nuit au poste. Il faisait froid. J’avais juste une couverture de survie pour me couvrir. Je gardais toutefois la tête froide. À bout, épuisé, je finis par m’endormir. Cette nuit-là a été la nuit du déclic. Pour la première fois, j’ai pris conscience que j’avais commis des actes répréhensibles, graves. Le lendemain, j’ai été déféré au tribunal. Face à la juge, je ne cherchais plus à nier les faits. J’assumais pleinement. La juge m’a dit d’un regard ferme et soutenu que je ne devais pas être un méchant gamin mais que la punition qu’elle allait m’affliger me ferait du bien. La sentence tombe : 15 jours d’IPPJ.

DE l’IPPJ à l’école
Ce séjour en IPPJ, je m’en souviendrai. J’y ai fêté mes 14 ans. Ce fut le premier anniversaire sans ma famille. Là-bas, c’était un camp de vacances. Il y avait une salle de cinéma et une autre de sport. Le cadre n’était pas très sévère même si on ne se la coulait pas douce. Mais cela m’a aidé à réfléchir. J’ai rencontré des psychologues et d’autres professionnels. Cela m’a aidé. J’ai vu, pour la première fois, ma mère pleurer. J’ai pris conscience que je devais me calmer. En fait, c’était surtout les menottes et le cachot, avant d’entrer en IPPJ, qui ont provoqué le déclic chez moi.

Après, je suis retourné à l’école. J’ai commencé un petit peu à étudier. Je faisais toujours des petites conneries mais je ne me suis jamais fait choper. Il ne fallait plus que le cauchemar revienne. En dehors de l’école, j’étais chez les scouts. Je me suis intéressé au secourisme. Je me suis formé et je suis devenu secouriste. Cela m’a beaucoup aidé. J’ai fait des bonnes et belles rencontres que je n’aurais pas faites sans la Croix-Rouge. J’ai appris des valeurs essentielles comme l’humanité, la fraternité, assumer et la responsabilité.

Rêver plus loin
La page sombre de mon existence est donc aujourd’hui définitivement tournée. J’ai des projets. Maintenant, je suis secouriste 112, animateur chez les scouts et producteur de films dans une maison de jeunes. J’ai un rêve : ouvrir une asbl pour partager avec d’autres jeunes ma passion pour la création de vidéos.

Auteur Benjamin, Herstal, 19 ans

Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R au Service Citoyen

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