Depuis qu’elle est toute petite, Sakura a des difficultés à s’exprimer, à lire, à parler. À 14 ans, elle a pu mettre un mot sur sa difficulté… La dyslexie, ce n’est pas une maladie, une maladie on la soigne. C’est un trouble, plus ou moins grave de la lecture et souvent de l’orthographe, qui handicape celles et ceux qui en souffrent à l’école mais aussi ailleurs (1).
Être invisible
J’ai toujours voulu faire comme si de rien n’était. Je voulais me faire remarquer le moins possible, du coup, je parlais très peu. J’essayais aussi de faire croire que je comprenais tout, et donc je répondais oui à toutes les questions. Je voulais montrer aux autres que j’étais normale, je ne voulais pas qu’ils me jugent trop sur le fait que je ne savais pas m’exprimer, que je ne savais pas vraiment lire. J’avais vraiment peur de me faire harceler, je voulais donc être la plus discrète possible.
Foutue
Même si depuis l’école primaire, je voyais des logopèdes, ce n’est qu’à 14 ans que j’ai appris que j’étais dyslexique. À 14 ans, j’ai enfin pu mettre un mot sur ce que je vivais. J’ai commencé à poser plein de questions à ma mère tellement je ne m’y attendais pas. Je me suis vraiment sentie mal quand elle m’a expliqué. Je me suis dit que ma vie était foutue, je pensais que tout le monde allait rigoler de moi et voir dans leurs propres yeux que j’avais une difficulté.
Aujourd’hui à 17 ans, je l’assume un peu plus car de plus en plus de gens le comprennent. Quand on me demande, souvent, ce que c’est, je ne sais pas trop quoi répondre parce que les autres posent trop de questions : » ça fait quoi d’être dyslexique ? « , » ça fait quoi d’être bizarre ? » Moi, on m’a simplement dit qu’être dyslexique, c’est avoir du mal à écrire et à lire, c’est tout.
Parler est compliqué
En lien avec ma dyslexie, j’ai également des difficultés à m’exprimer à l’oral. Exemple, quand je dois lire à voix haute en classe, je reçois des remarques comme « Oh le bébé, elle ne sait pas lire une phrase entière ». Depuis, je bégaye ou je perds mes mots. Je ressens alors un gros vide dans ma tête et je panique. Je me dis qu’on va me prendre pour une débile. J’ai peur que la personne en face de moi ne comprenne pas ce que je vais dire, j’ai peur de recevoir encore des réflexions du style « Pourquoi tu prends autant de temps pour dire une seule phrase?”, “Tu ne sais pas parler ou quoi ?!”. Parfois, je dis une phrase qui n’a rien à voir avec une autre et du coup, on m’insulte : “T’es handicapée ou quoi ?!”… Alors…je me tais.
Quand je dois parler, je n’aime pas qu’il fasse calme dans la pièce. Je préfère quand il y a du bruit comme cela on m’entend moins, on ne va pas entendre ce que je vais dire. Je n’ose plus rien dire, j’ai vraiment peur de parler. Au pire, si on ne me comprend pas, je dis à la personne “laisse tomber”.
Peu aidée
Mes parents ne m’ont pas beaucoup aidée pour surmonter cette situation. Lors de mes devoirs à la maison, ma mère me disait souvent de demander à mon père. Mais mon père rentrait tard du travail. Moi, je voulais qu’on m’aide à faire mon devoir et surtout qu’on m’aide à le comprendre. Fatigué de sa journée de travail, mon papa faisait mon devoir à ma place sans que je reçoive vraiment de l’aide, ce que je ne lui demandais surtout pas. Dans sa vision, cela me permettrait d’être tranquille. Évidemment, j’aurais aimé qu’il puisse m’aider dans mes cours.
L’éclaircie est pour demain
Heureusement, sur mon chemin, il y a eu des logopèdes. Elles m’ont aidée, elles m’ont comprise. Grâce à elles, j’ai pu réussir à me faire comprendre et à m’exprimer. Je me suis améliorée depuis 3 ans. C’est encore très compliqué pour moi mais je ne suis pas quelqu’un qui abandonne facilement. Dorénavant, je ne me dis plus que je ne pourrai rien faire dans la vie car je sais que je pourrai faire un jour ce que j’aime. J’ai rencontré une personne dyslexique de 50 ans qui faisait un travail qu’elle aimait. Pour moi, elle avait réussi dans la vie, cela m’a soulagée et cela m’a fait du bien. Il n’y a pas que moi dans ce monde qui a cette difficulté, d’autres personnes que moi vivent ce que je vis et ne baissent pas les bras.
(1) Dans la brochure : Le petit guide des dyslexiques, disponible gratuitement et en téléchargement sur le site de l’Association belge de Parents et Professionnels pour les Enfants en Difficulté d’Apprentissage (ADEPA), une multitude d’informations, de suggestions et de conseils permettent de comprendre et de vivre – aussi bien que possible – avec la dyslexie. Une définition du trouble est aussi proposée : “Est dyslexique celui dont les difficultés en lecture ne viennent pas de troubles intellectuels, neurologiques, sensoriels, ni d’un milieu social très défavorisé. Un enfant est dit dyslexique lorsqu’il éprouve des difficultés spécifiques et persistantes (par exemple des confusions auditives ou visuelles, des omissions, etc) lors de l’apprentissage de la lecture et, dans la plupart des cas, de l’orthographe”.
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