C’est par d’improbables chemins, des routes plus dangereuses que curieuses que Sami est arrivé en Belgique. Aujourd’hui, en attente du statut de réfugié qui lui permettrait de poser ses valises et ses souvenirs, il nous explique le confinement vécu d’un centre d’hébergement.

De l’Éthiopie à la Belgique

J’ai 20 ans, je suis éthiopien. J’ai quitté mon pays quand j’avais 9 ans et demi en compagnie d’une mère « d’adoption ». Un soir, à la tombée de la nuit, avec un sac comme seul bagage, nous avons rejoint 12 autres personnes pour monter dans une camionnette et rouler en direction du Soudan. Mon voyage a continué vers la Lybie, l’Italie, la France et enfin la Belgique. J’ai alors 17 ans quand j’arrive à Bruxelles. Cela fait 2 ans que je vis entre le parc Maximilien et les centres d’hébergement. Quand ce n’était pas le confinement, j’avais la chance de faire du bénévolat. Mes journées étaient alors bien occupées.

Confiné

Après un mois de confinement, la routine dans le centre s’est installée. Il est 9h, je me réveille dans le dortoir avec 17 autres personnes. J’ai mal dormi, il y a du bruit : les téléphones qui sonnent, le va-et-vient des autres résidents qui oublient d’éteindre les lumières, le personnel qui vient chercher du matériel, les ronflements, les flatulences, … Mais qu’importe, je suis content d’être là.

Douche, café, clope

Je prends une douche, je vais boire un café, fumer un clope, et je réfléchis à ce que je vais faire aujourd’hui. Passer le temps. Je n’aime pas ne rien faire, je m’ennuie, alors je pense. Et quand je pense, le temps ne passe pas vite. Mes pensées se perdent dans le passé, ça me fait mal, je préfère voir l’avenir. L’avenir, pour moi, c’est avoir des papiers, faire une formation, améliorer mon français, avoir un travail normal. J’aimerais devenir pompier, infirmier, ambulancier,… Je veux aider les autres sans rien attendre en retour. Mais, ça prend du temps d’avoir des réponses pour les papiers et on ne connaît pas l’issue. L’incertitude est grandissante… Plus le temps passe, plus mon moral diminue mais je garde espoir. L’espoir… c’est Dieu qui me le transmet.

Bouger

Fatigué ou non, je décide de sortir. Je n’ai pas trop envie d’avoir quelqu’un qui me parle. J’aimerai lire tranquillement mais on vient souvent me solliciter. Alors, je prends le métro masqué dans n’importe quelle direction et je marche pour rentrer au centre. Je découvre Bruxelles, les Bruxellois, la vie à l’européenne. Je passe le temps. Je suis seul, la solitude ne me dérange pas. Parfois, un ami du centre m’accompagne. Vers 17h, je fais un peu de sport, je reprends une douche, je prie, je fume, j’écoute de la musique, je lis les infos, je discute avec des amis sur les réseaux sociaux, je mange, je fume, je discute,…

J’essaye de ne pas penser, de garder l’espoir pour un avenir meilleur.

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Auteur : Sami, 20 ans, Bruxelles

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R à distance

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