Confinée, libérée ? Peut-être bien que oui ! La chanson de Natacha n’a pas grand-chose à voir avec celle de la Reine des neiges mais elle pourrait bien être tout aussi libératrice !

Rentrée des classes

Alors que tout le monde s’embrasse autour de moi, tout le monde est content de se retrouver, je reste dans un petit coin de la cour, je pleure. Je me sens exclue comme un petit chat dans sa cage. La sonnette retentit, ce n’est pas trop tôt ! Ma prof explique son cours mais je ne comprends rien, je veux lever mon doigt et demander de plus amples explications mais je me sens submergée par mes émotions. Cette peur me paralyse, j’ai peur de parler, ma gorge est nouée. Même si je le veux, je me trouve dans l’incapacité totale de sortir un son de ma bouche. 

Parler

Plus tard, la même année, ça se passe mieux. Je me revois en mai, tenir un discours sur l’incompétence et la corruption de plusieurs présidents devant toute une foule. Je me rappelle aussi qu’à la fin de chaque cours de français, le professeur donnait la parole à qui la voulait pour lui permettre de parler d’un sujet qu’il affectionnait. J’étais la seule à prendre la parole, à faire un discours sur l’avortement, le décrochage scolaire, les violences conjugales ou encore la maltraitance infantile … J’avais toujours quelque chose à dire ou à ajouter, j’avais toujours un avis à donner. En cette période, je n’avais pas peur de parler, je n’avais pas peur de prendre la parole. 

Arrivée en Belgique

Cette période est révolue. Désormais, je suis en Belgique et depuis, tout a changé. La première fois où j’ai ouvert ma bouche pour faire une simple lecture, j’ai entendu des rires. Mon accent fait rire, mon accent est vu comme un handicap par les autres. Alors, j’ai décidé de ne plus parler. Que puis-je bien dire qu’ils ne savent déjà ? Ma plus grande peur a été de me retrouver dans l’enseignement technique. Mes camarades m’ont fait comprendre que les élèves ne réussissant pas dans l’enseignement général passaient dans l’enseignement technique. Ce système me fait peur. Il arrive que les élèves qui sont en technique soient dénigrés, jugés et considérés comme moins “intelligents”. 

Parfois, ça va loin … Au fond de moi, par exemple, je ne veux pas parler pour ne pas être jugée inapte à suivre l’enseignement général. Quand j’avais quinze ans, j’étais persuadée qu’il suffirait que je dise une absurdité pour qu’à la fin de l’année, je sois envoyée en technique. Je n’avais jamais ressenti une telle pression auparavant.

À l’université 

Aujourd’hui,  j’ai toujours cette impression d’être jugée par rapport aux autres. J’ai le sentiment qu’au moindre faux pas, je serai classée dans la liste des gens moins “intelligents’’ ou considérée comme une personne qui n’a pas sa place à l’université ? Je sais, je crois savoir, que je ne dois pas attirer l’attention sur moi, je dois me taire et écouter si je ne veux pas être traitée d’ignorante. À travers le regard de certaines personnes, je le sens déjà. Pour certaines personnes, le fait de ne pas parler est synonyme de ne pas connaître. Conclusion qui me semble, totalement, erronée. 

Mars 2020

Heureusement pour moi, tout bascule à nouveau dans ma vie avec le fameux confinement. Très honnêtement, je l’adore. J’apprécie le fait de me lever à l’heure que je veux. Ce que j’aime aussi, c’est suivre mes cours en ligne. Tout est si calme autour de moi, il n’y a plus de chuchotements, plus de sons de paquets de chips ou de biscuits, plus de gens en face de moi qui regardent des films ou un match de football pendant que le prof peine à nous expliquer son cours. Tout est fini, oui, fini ! On a beau être six à la maison, tout le monde respecte mes heures d’étude, mes heures de cours. En ligne, je peux à présent poser mes questions librement dans un chat privé avec les profs, ils ne mettent plus des jours à répondre aux mails. Le confinement les oblige à rester connectés beaucoup plus qu’à l’accoutumée. Je comprends mieux le cours, j’étudie mieux. Enfin, il n’y a plus personne pour me juger. J’ai retrouvé la paix intérieure, longtemps perdue, et le plus important, c’est que je n’ai plus peur du regard des autres. J’ai repris confiance. Le confinement m’a permis de la retrouver. À l’inverse de la plupart des gens, le confinement n’a pas volé ma liberté. Le confinement m’a donc rendu ma liberté. J’espère que tout le monde ne gardera pas que de mauvais souvenirs de ce confinement. Après cette période, j’espère que nous puissions conserver la solidarité et l’entraide actuelle.

Auteure : Natacha, 20 ans, Braine-le-Comte

Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R à distance.

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