En vacances à la Côté d’Opale avec mes parents, on décide de faire notre première randonnée. En bord de mer, des personnes qui semblent non-européennes se trouvent sur la plage. Avec mes parents, on suit notre chemin et on rentre dans les terres. Trois voitures de polices, avec des hommes et femmes armé·es, habillé·es en militaires. Je pense : « J’espère qu’ils ne leur feront pas du mal ». Pour terminer notre balade, on repasse le long de la mer. On croise un grand groupe de personnes non-européennes sur la plage. Plus loin, on arrive près de trois personnes habillées en militaires, armes en main. Je tends l’oreille, je n’entends que quelques mots : « J’en ai rencontré un qui a fuit la guerre ». Au fond de moi, j’espère que cet homme en a vraiment conscience et qu’il ne leur fera pas du mal.

En rentrant au camping, je réfléchis aux animations que j’ai réalisées cet été dans les centres d’accueil Fedasil et au sein de l’association Interra. Je pense à ces gens sur la plage, je les imagine trouver des endroits d’hébergement.

Le lendemain soir, je propose à mes parents de descendre près de la plage pour voir si la friterie est ouverte. Au loin, une masse de gens, des cris, des mouvements. On aperçoit une masse sur la mer, impossible de voir sur quoi cette masse flotte exactement. Sur terre, des gens restent, crient et regardent l’embarcation partir lentement. La friterie est fermée, on remonte. Ma mère est choquée, mon père est triste. Je me dis que j’avais bien conscience de cette réalité, je suis renseignée, mais le voir… le voir… ça enlève tous les mots.

En remontant au camping on voit des voitures de la gendarmerie passer.

On arrive à notre bungalow, vue sur la mer. Il fait noir. Dans la mer, une lumière. Dans la mer, ces personnes qui tentent de rejoindre l’Angleterre. Et puis, on aperçoit un gros bateau. Ce gros bateau se rapproche de la toute petite embarcation. Une lueur d’espoir dans mon esprit candide : ils vont monter sur le gros bateau pour faire la traversée !

Non. C’est un bateau de police. Il fait des aller retour en suivant la petite embarcation. Je ne comprends pas, ou plutôt je ne veux pas comprendre. Mon père me dit : « Ils doivent surveiller jusqu’à ce que les migrants passent dans la zone maritime anglaise ».

Ce gros bateau de police tourne autour de ce petit point lumineux. Les policiers se contentent de regarder les migrants entassés. Je suis indignée, c’est quel genre de métier ça ? Il y aurait largement la place sur ce bateau pour prendre toutes ces personnes enchevêtrées. Les policiers se contentent de les observer chavirer sur leur petite embarcation. Ils « surveillent » des gens en train de souffrir, ils « surveillent » des gens en train de mourir.

Au milieu de la nuit, dans un silence profond, des migrants traversent la Manche sous le regard des policiers. Les migrants espèrent peut-être qu’une main leur soit tendue… mais les policiers restent dans leur bateau et les migrants sur leur embarcation.

Je regarde cette mer qui m’a tant de fois apaisée, et je ressens de la nausée.

Je regarde vers le ciel, et je demande à l’Univers de les protéger.

Auteure : Eloïse, 21 ans, Liège

CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT LORS D’UN ATELIER SCAN-R.

Et d’autres récits

LES PETITS AVIS, EPISODE 120

Dès le départ, Scan-R essaye de valoriser la parole de chacune et de chacun ! Parmi les textes que nous recevons, certains sont trop brefs pour faire l’objet d’un post, nous les rassemblons donc...

Quand la danse des souris n’attend pas le départ du chat

Au sommet d’une colline, à l’ombre des cerisiers en fleurs, se trouve le temple des Maitres du Miaou-de. Sous les arches imposantes, les trois chats de droit divin décident au quotidien de la marche...

Au-delà des heures

Si je pouvais franchir les murs du temps,Toucher l’hier, caresser l’avant,J’irais cueillir les rires oubliés,Et consoler les cœurs brisés. Je glisserais des mots sur les blessures,Allégerais les...

Prendre son temps

La nuit est tombée depuis un moment, Seuls deux amis restent encore un instant, Leurs années de lycée sont derrière eux, Soudain l’un demande si avant c’était mieux, Son ami reste d’abord étonné, Ne...

L’enfant sous la pluie

Un petit garçon, les pieds dans l’eau, est impassible depuis l’aube. Manteau, écharpe, capuche. Un seau à la main, parapluie dans l’autre. Il arrose une plante déjà noyée par les flots, la seule...

Comment pardonner quand on voit un enfant tué ?

Je regarde la télévision, et je ressens une profonde colère ainsi qu’une immense tristesse en voyant tous ces enfants décédés à cause de la police. Comment pourrions-nous empêcher que de tels drames...

C’était mieux avant ?

Est-ce que c’était mieux avant ?C’est la question à laquelle on doit répondre, maintenant.Avant qui, avant quoi ; le passé, le présent, le futur,Peu importe la réponse, de tout temps, on est dans le...

Ecrire, une thérapie pour s’exprimer

Je me sens libre quand j’écris. Grande timide et de nature assez introvertie, j’ai souvent eu du mal à parler avec les autres. Trouver des sujets de conversation, débuter une discussion ou parler...

Hier ou aujourd’hui ?

C’était peut-être mieux avant,Quand on n’voyait pas tout le temps,Mourir et souffrir tant de gens. C’était peut-être mieux hier,Quand on n’avait pas besoin de prière,Pour espérer que s’arrête la...

Septembre revient, douce promesse

Septembre revient, aux portes du matin,Un souffle léger, un éclat lointain.Les bancs se préparent à accueillirLes rêves endormis prêts à fleurir. Le cartable attend, chargé d’histoires,De pages...