Le parcours de Jacky est compliqué. Elle se sent profondément différente des autres, de toutes et de tous les autres alors, elle s’isole. Cette différence, elle l’explique par une éducation particulière. Cette différence la plongera aussi dans l’anorexie.
Le groupe
Au début, dans un groupe, je me sens bien. Ensuite, mes opinions finissent par diverger de celles des autres. Je finis alors, à un moment ou l’autre, par faire semblant. Parfois, il y a même des gens avec qui je ne peux pas m’empêcher de m’énerver. Leurs actes ou même simplement leur présence me donnent une énergie négative et emportent tout sur son passage, même la raison. C’est cette énergie négative qui donne lieu à mes cris. Dans ces moments-là, j’ai toujours raison et je prends tout le monde pour des cons. D’un autre côté, je me sens impuissante, ce sentiment, ces sensations me sont désagréables. Je suis comme emprisonnée dans mes émotions. Ce qui m’envahit ensuite est une immense tristesse et je ne sais pas comment m’en défaire.
Papa
Ce sentiment de mal-être dans un groupe provient de mon éducation. Mon papa m’a éduquée d’une manière très personnelle et adaptée à son mode de vie. Il a une vision de la vie assez unique et me l’a transmise, malheureusement peut-être. Très solitaire, il vit seul, ne partage pas ses sentiments avec les autres. J’ai donc développé un caractère assez similaire. En général, quand les autres essayent de m’aider, cela m’encombre.
Près du gouffre
Pour moi, l’adolescence est une période de recherches et de chamboulements. L’état de crise qui y est lié est souvent provoqué par un problème de taille et remet tout en question. De là, notre confiance en nous s’effondre et les idées néfastes nous suivent. Pour moi, ce problème a été l’anorexie. Ce sentiment de colère et de non-appartenance à un groupe me colle à la peau depuis. Le rétablissement est long… Je vois encore souvent la peur dans les yeux de ma mère, persuadée que je me suis laissé mourir à petit feu, au fur et à mesure des kilos perdus. Mon père, mon frère et ma soeur se sont sentis impuissants face à mon corps squelettique. Mais il y a eu surtout cette solitude, cette tristesse qui amènent l’envie de mort. Quand on s’en sort, on a peur. J’ai l’impression que je ne serai plus capable de rien. J’ai aussi constaté que tout s’était effondré autour de moi.
Merci Covid
Cette période a duré un an, un an d’incertitude. Cette année m’a permis d’évoluer, de me connaitre, me reconnaitre après une déconnexion totale de mes émotions. J’avançais sans le vouloir, sans comprendre où j’allais. Ma famille et mon entourage m’ont beaucoup aidée, même si mon comportement était exécrable. Mais je continuais de progresser vers un mieux sans m’en rendre compte vraiment. C’est grâce au confinement, qui a été un moyen de me concentrer sur mon état actuel, que mon évolution s’est accélérée. Après 12 mois de recherche, je suis devenue plus stable. Même si je sais que l’apprentissage de ma vie ne s’arrête pas là.
Pour aller plus loin sur ce sujet, pour découvrir la réalité de la maladie, l’association Annorexie-boulimie.be, informe, soutient, aide et oriente les personnes atteintes de troubles des conduites alimentaires. Les personnes qui s’en occupent ne sont pas des thérapeutes professionnel·le·s, mais offrent une écoute attentive aux personnes touchées par l’anorexie ou la boulimie. L’association, enfin, oriente vers les intervenants nécessaires pour triompher de ce combat.
Auteure : Jacky, 16 ans, Jupille
Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R
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