De l’isolement à la béatitude
Barek est heureux : une famille aimante, un travail et un lieu de vie qu’il aime. Pourtant, il s’est longtemps isolé des autres. Pour vivre heureux, je vis caché ? Comme le chantait Renaud ? Il raconte comment il s’est rendu compte que le partage et l’écoute des autres l’ont amené vers le vrai bonheur.
Je me suis isolé des autres sans m’en apercevoir. C’est arrivé progressivement, juste ce qu’il faut pour ne pas le comprendre. C’est en faisant ce texte que la pièce est tombée comme une simple évidence. Je voulais écrire sur la recherche du bonheur, et un des animateur de l’atelier m’a demandé « De quels malheurs veux-tu t’échapper, qu’est-ce qui ne te convient pas dans ta vie ? » Cela m’a profondément troublé : je parle de bonheur, et lui, à cause de la formulation « à la recherche de », il entend malheur. J’ai fait mon examen de conscience, la question était juste : une partie de moi ne reçoit pas assez de vie.
Et pourtant, je suis heureux ! Depuis toujours, je me suis écouté et j’ai agi en conséquence. Je me suis donné les moyens de réaliser mes rêves et mes envies, j’ai vécu ma jeunesse, j’ai voyagé. Je travaille actuellement avec les demandeurs d’asile, ce travail sans routine que j’adore – empli de rencontres et d’humanité – donne du sens et de l’énergie. De plus, j’aime profondément mes collègues. À la fin de chaque mois, je gagne toujours plus d’argent que je n’en dépense. L’endroit où je vis est mon paradis sur terre : du vert, de l’espace, du calme et des bons voisins. Je fais ce qui me passionne. Je suis une personne optimiste et quand quelque chose me dérange dans ce monde, j’agis à mon échelle. J’ai une famille aimante et des amis fidèles. J’ai vaincu ma dernière addiction qu’étaient les écrans. Mais alors, que me manque-t-il pour avoir un bonheur entier et incommensurable ? Plus de relations de meilleures qualités.
La connaissance de soi et mon envie de Vrai, étonnament, m’ont amené vers une phase d’isolement. Toucher intérieurement et réellement son être s’accompagne du fardeau de la lucidité car chaque instant d’authenticité qui est vécu – seul ou en groupe – pousse, la fois d’après, à ressentir la futilité des anciens moments que nous pensions supers… mais qui en fait ne sont rien. De fait, j’ai progressivement préféré rester seul plutôt que de m’ennuyer en écoutant des descriptions interminables de soirées aux émotions superficielles, de relations de faux-semblant, ou pire, de parler en ramenant tout à soi. La problématique, ce n’est pas le manque d’intelligence ou le niveau d’éducation, ce n’est pas le choix des sujets de conversation ou ce que nous faisons, non, c’est l’incapacité à se lier à nos émotions profondes, à être suffisamment honnête pour avoir mal, à avoir assez de lâcher-prise pour s’émerveiller, c’est de ne pas s’aimer assez pour aimer autre chose.
J’ai fait silence pour m’écouter et je suis arrivé dans une impasse, à l’isolement. À présent, je comprends qu’encore mieux écouter ce que les autres ont à dire peut devenir un passage vers une vie mouvante, pleine de force et de partage. N’était-il pas écrit intégralement sur le fronton de Delphes : « Connais-toi toi même et tu connaîtras le monde, connais le monde et tu te connaîtras toi-même » ? Le moment m’est venu de revenir plus fortement dans ce monde avec les autres, merci pour cette question qui marque un tournant sur mon chemin.
Pour atteindre la béatitude, nos âmes ont besoin de toutes les lumières possibles qui sont en chacun de nous. Pour sortir de l’isolement émotionnel, acceptons cette idée et baignons-nous dedans car j’ai la conviction que c’est là que se trouve le suc de la vie avec ses plaisirs simples.
Auteur : Barek, 32 ans
Cet article a été produit lors d’un atelier Scan-R à la Maison des Jeunes de Tournai (Mazure 14) pendant un atelier Actu & philo.
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