LES PETITS AVIS, EPISODE 121

LES PETITS AVIS, EPISODE 121

Dès le départ, Scan-R essaye de valoriser la parole de chacune et de chacun ! Parmi les textes que nous recevons, certains sont trop brefs pour faire l’objet d’un post, nous les rassemblons donc dans un seul article sobrement intitulé “Les Petits Avis”.

Temps, toujours, Anonyme, 20 ans, Durbuy

Tout est une question de temps.

Tu regardes autour de toi et tout indique si tu es en retard ou si tu es en avance. Tu te réveilles à une heure bien précise. Tu te brosses les dents dans un temps bien précis. Pour arriver là où tu veux, il faut un temps précis.

Attention, en plus, il y a une sonnerie pour te dire que le temps est écoulé. On recommence un cours, des paroles et un temps précis.

Tu écoutes. Dring ! Dring ! C’est fini, le temps est écoulé. Dépêche-toi, tu n’as pas beaucoup de temps.

Jean-Alphonse, Anonyme, 37 ans, Liège

Il était une fois Jean-Alphonse – habillé de poils blancs comme la neige. Doux, tendre et fondant comme un marshmallow. Il vivait seul dans la plaine/steppe loin des humains. Sa vie se partageait/relayait entre balades nocturnes et découvertes variées. Quelquefois il était nostalgique, pourtant, sa solitude lui pesait. Jean-Alphonse était intrigué par une découverte étrange. Chaque matin, derrière le rocher, une grosse boule ronde montait dans le ciel et le soir, cette même boule redescendait derrière les arbres décharnés du petit bois.

Il n’en fallut pas plus à notre cher Jean-Alphonse pour y faire son enquête. Animer sa journée était un cadeau plaisir. De son pas lourd, l’ours fit route vers le petit bois afin d’observer la chute de ce ballon. Quelques cailloux « surchauffés » lui caressaient les pattes. Cela le fit accélérer. Arrivé au petit bois, il se mit à rêver de Robin des Bois. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il vit une bourse bien garnie. Robin des Bois ne serait donc pas une fable !

Mais il se prit pour un héros au grand cœur. Sa surprise n’en était pourtant qu’à ses débuts. Pas de grosse boule lumineuse derrière les arbres mais de petites lucioles. Il n’en fallut pas plus pour le faire fondre. Derrière cette image d’ours, il y avait un cœur chez Jean-Alphonse.

Sans se poser de questions, avec beaucoup de tendresse, il les enlaça.

Avant ?, Anonyme, Liège

C’était mieux avant ?

Avant que quoi ?
Avant toi
Ou avant moi ?
Avant nos parents ?
Eux déjà se vantaient
Que c’était mieux que ce que l’on vivait.
Ça change quoi pour de vrai ?
C’est cela que je vivais.
On fait déjà comme on peut
Jusqu’à ce que l’on soit vieux.
Serait-ce mieux dans les cieux ?
Ai-je droit à l’erreur
Avant que le monde ne pleure ?

Les gladiateurs de la rue, Willy, 58 ans, Charleroi

Dans la rue, nous sommes des gladiateurs, armés de courage face aux jugements des autres, unis en petits groupes contre l’indifférence, prisonniers d’une société prompte à nous oublier. On nous respecte peu, on nous regarde à peine : à leurs yeux, nous ne sommes que doutes et préjugés, des silhouettes floues dans la brume du matin, derrière chaque visage, un cœur pourtant blessé.

Non, nous ne sommes pas tous des drogués, pas tous des alcooliques, perdus dans leurs clichés. Nous sommes des hommes, des femmes, avec du sang rouge, et des rêves encore debout.

Quand le froid tombe et que la pluie bat, le vent s’engouffre jusqu’au plus profond, on protège nos abris, nos pauvres tentes, nos couvertures comme des trésors précieux. Fatigués, épuisés parfois d’espérer, on pense à nos amis, disparus sur le même banc, chaque deuil est une cicatrice invisible, chaque départ creuse la solitude et la peur. Chercher un endroit où survivre est une guerre, à chaque intrusion, la police déracine nos maigres repères, prisonniers d’un cycle, d’une errance sans fin, où l’indifférence est parfois plus cruelle que la faim.

Brouillard d’incertitude, nuits sans chaleur, nos jambes flanchent, nos pieds hurlent d’usure, pour un café chaud, une douche ou un sourire, des gestes simples deviennent des montagnes à gravir. Ils oublient que nous sommes dignes, humains, espérant juste qu’un regard fasse tomber les chaînes, faire disparaître les préjugés en tendant la main, briser la prison de l’indifférence qui ferme leur chemin.

Nous ne sommes pas faits pour être jetés, nous aussi, nous rêvons d’une place à retrouver.

Il faut du courage pour affronter chaque aube, mais ensemble, main dans la main, un autre monde est possible.

NDLR : Parfois, Scan-R partage la parole des personnes ayant plus de 30 ans. Elles écrivent au sein d’institutions en lutte contre la précarité.

Auteurs/es : Anonymes, Willy

CES PETITS AVIS ONT ÉTÉ PRODUITS LORS DE DIFFERENTS ATELIERS SCAN-R.

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