Olivier, animateur à la Maison des Jeunes (MJ) La Clef, nous offre son ressenti par rapport à son travail, par rapport aux jeunes. En prenant le temps, il décortique et observe.

Ça se détricote …

Maison des Jeunes. J’ai toujours pris ce mot “maison” à son sens premier. Un endroit où on est accueilli, où on se sent bien, au chaud ; où on peut échanger, se rencontrer et grandir en sécurité. Aujourd’hui, nos maisons sont en ruine. Tout ce qu’on a pu bâtir patiemment, au fil du temps, tous ces liens qu’on a tissés, tout cela a été abattu sous les coups de butoir de la pandémie et de décisions dont on cherche, parfois, encore le sens.

Abandonné·e, une fois de plus ?

Les Maisons de jeunes ont été assimilées aux mouvements de jeunesse. Or, à mon sens, nous sommes bien davantage. Je n’ai jamais perçu mon métier comme un moyen d’occuper des « gamins oisifs et turbulents ». J’ai toujours vu les MJ comme un outil pour élargir les horizons de ces jeunes, ouvrir le champ des possibles, leur montrer aussi que leur voie n’est pas forcément tracée et qu’ils peuvent être – et sont- maitres de leur destin. Les MJ sont des lieux d’échange… échange des savoirs, échange des cultures. Les Maisons de jeunes sont aussi, pour certain·e·s bénéficiaires, parfois déscolarisé·e·s, un des derniers liens avec la société, qui permettait parfois de les raccrocher. Pour ces jeunes-là, déjà bien abimé·e·s, la pandémie et les mesures représentent un abandon de plus, les laissant sur le bord du chemin. Pour eux, les conséquences sociales et psychologiques sont incalculables.

On aurait pu …

On a considéré les MJ comme non essentielles. Or, je pense sincèrement que c’est le contraire. Nous aurions pu trouver des moyens de fonctionner autrement, sur base d’entretiens individuels, afin que les jeunes puissent évoquer leur vécu, leur ressenti. On aurait pu aussi ouvrir des espaces multimédias afin que les jeunes, qui n’ont pas forcément d’accès informatique, puissent étudier. On a pu finalement commencer à mettre cela en place pendant ce second confinement, mais je crains que ce ne soit déjà trop tard pour beaucoup. En effet, si cette crise a mis quelque chose à jour, ce sont les inégalités sociales et scolaires. Au lieu de nous permettre d’être une alternative pour tous ces jeunes, on nous a obligés à fermer.

Le secteur se démène puis s’épuise ?

On a donc essayé de se réinventer, de proposer des activités en ligne, de faire de l’occupationnel ce qui, contrairement à ce que beaucoup croient, n’est pas le cœur de notre métier. On s’est regroupés entre MJ pour essayer de proposer le plus large panel d’activités possibles, pour permettre à des jeunes de différents horizons de se rencontrer, d’échanger ne serait-ce que virtuellement. Et ça a marché pour certain·e·s, mais beaucoup sont resté·e·s sur le carreau. Parfois bêtement parce qu’elles ou ils n’ont pas les outils nécessaires, parfois par manque de concrétude. Inquiétant, un bateau qui n’a plus d’amarres part à la dérive. Tout le secteur s’est démené. On s’est épuisé, mais tout cela a été souvent vain. Je n’ai pas de problème à courir, à me battre mais j’ai besoin de savoir où je vais. À ce titre, je n’ai jamais compris le principe de la course sur tapis roulant dans les salles de sport et si je devais résumer cette période de confinement en une phrase, je dirais que, pour moi, c’était comme courir sur un tapis roulant au milieu d’un champ de ruine. C’était s’essouffler dans le vide.

Le jardin

Malgré tout, je crois qu’il faut garder espoir. Si on n’a pas d’espoir, on ne doit pas faire ce job. Un magnifique jardin peut pousser sur un champ de ruine. Il va nous falloir retrousser nos manches, nous réinventer et travailler deux fois plus fort pour reconstruire nos maisons, sans doute autrement, au cœur de ce jardin.

Auteur : Olivier

Cet article a été écrit lors l’action Raconte-nous ta MJ

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