User et abuser, mais de quoi ? Non pas d’un objet ou d’un outil numérique mais bien d’un être vivant. Non pas une plante, un insecte, un animal comme un chien mais bien un être humain. L’usage et l’abus sont tout aussi bien psychologiques, psychiques que physiques. Cela déconstruit une personne, mais peut aussi la construire. Personnellement, j’ai été abusé et usé physiquement. Un corps frêle, usé et abusé psychologiquement, à un âge où on se construit. Tout a été déconstruit autour et en moi.

Entre 11 et 16 ans, ce fut une période où je voulais non pas vivre, mais survivre. Violences sous toutes ses formes, séparations, stress, déménagement. Un enchaînement en cascade. Une cascade où je sors la tête après le coming out, enfin.

Il n’y a pas un moment qui a été le moins pire mais bien un moment qui a été le pire. L’abus psychologique et sexuel. Ma plus grand arme à ce jour.
Au début à 11 ans : des moqueries, des bousculades de récréation, la découverte du corps de soi, mais aussi de l’autre. A 12 ans, on reprend le même cycle, de façon plus prononcée via des insultes et bousculades. A 13 ans advient le nouveau départ, grâce à des nouvelles fréquentations, bonnes et mauvaises. Les fréquentations priment sur l’école malheureusement, de plus il s’agit là des mauvaises fréquentations. Le nouveau départ est un raté. Les problèmes intrafamiliaux et psychologiques se mêlent au milieu scolaire. Non, ce n’est pas la crise d’adolescence.

A 14 ans se déroule l’effondrement d’un monde, la création d’un cauchemar dont j’ai été protégé par mes parents. Mais comme Eve dans son jardin, j’ai écouté le Serpent et le Fruit Interdit est entré en moi. J’ai peur de la découverte des parents, que les frères et que la famille le sachent. Au final, cette peur s’estompe parce que je comprends qu’iels me soutiennent. Papa. Maman. Mes frères. Où sont-ils ? Dans leur chambre à jouer ou dans le salon à faire des cabanes avec les coussins du canapé et les couvertures ? Puissent-ils préserver leur innocence et existence. Et moi ? Où suis-je ? D’abord, en tête à tête avec mes parents qui sont les mœurs et qui est la femme à rencontrer le lendemain. Je les écoute, les vois, ne dis rien, ma gorge est nouée. La nuit passe, mon sommeil trépasse. Mes yeux verts sont face aux yeux bleus de la Commissaire. Nous nous isolons dans une pièce avec des murs jaunâtres où je suis filmé et enregistré. Maman attend dans le couloir et je suis conscient de ce qu’il se passe. Je suis auditionné. Auparavant, ce mot me faisait penser au théâtre, aux émissions tv, mais depuis juillet 2014, il prend un sens plus sérieux pour moi.

Une copie de l’audition nous est remise, j’ai peur. Nous nous revoyons quelques semaines plus tard. Un jour de pluie à Etterbeek, comment l’oublier… Les locaux n’étaient pas les mêmes. Je revois la dame aux yeux bleus. Elle est derrière son écran et retranscrit ce que je dis. Une question m’a été posée et je ne sais pas y répondre. Je ne connais pas la réponse. Son visage et son regard changent. Sa voix change et sa bouche s’ouvre pour annoncer à ma maman d’entrer dans la pièce. Ma maman est énervée dans le bureau de la policière, dans la voiture, dans l’hôpital et ces salles d’attentes interminables. Je pleure, j’ai peur. Elle pleure, elle crie, elle a peur. Le personnel hospitalier est là pour calmer les émotions d’une mère et son fils en pleine panique. La pluie torrentielle s’est arrêtée pour laisser place au Soleil. Négatif. Une bonne nouvelle pour accompagner le Soleil. Une mère aimante serrant son fils dans ses bras devant l’hôpital, un père à moitié présent m’écrivant un texte pour me soutenir.

Les difficultés scolaires sont présentes, accompagnées des difficultés économiques et des conflits intrafamiliaux. La séparation de mes parents et ces complexités à vivre n’ont pas empêché mes parents de me soutenir et d’accepter que leur fils soit gay.

Leur fils est vivant, en pleine santé. Il est heureux de vivre. J’aime mes parents avec leurs qualités et défauts.

Auteur : Charly, 22 ans, Liège

CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT LORS D’UN ATELIER SCAN-R.

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