Exorcisée
Exorcisée
Le mot « sorcière » est encore très tabou dans mon entourage et plus globalement dans le mon arabe et nord-africain. Pourtant, avant que l’Afrique du Nord ne soit colonisée par les Arabes islamiques, la sorcellerie était une pratique très répandue et totalement acceptée. Bien sûr, le terme « sorcellerie » est très large, mais ce qui était pratiqué avant la conquête arabo-musulmane faisait bel et bien partie de cette catégorie de magie. Aujourd’hui, dans le monde occidental, la sorcellerie est plutôt considérée comme une pratique stupide ou moyenâgeuse. Résultat : mes croyances et mes pratiques sont souvent moquées.
Si je disais à un blanc que j’utilise du sang de mouton dans des rituels, il me prendrait tout simplement pour une barbare tarée.
C’est un sujet d’autant plus compliqué à aborder chez moi. On parle rarement de mes pratiques et de mes croyances, parce que dans mon entourage et en particulier dans ma famille, la sorcellerie est l’oeuvre du diable, une pratique interdite et mauvaise.
Depuis mon plus jeune âge, on m’impose l’islam comme LA religion à suivre. J’ai donc du subir plusieurs exorcismes violents parce que je refuse cette religion. Mon père a en effet convaincu ma mère de faire venir un exorciste car, selon lui, le fait que je lui dise que je ne me sentais pas musulmane signifie que je suis possédée par le diable.
Dans les faits, le raqi s’est assis sur moi et m’a agrippé le cou pour me maintenir allongée. Ses mains tenaient mes bras croisés sur mon thorax pendant qu’il récitait des passages du Coran, qui devaient faire sortir le démon de moi. J’ai crié de toutes mes forces pour demander de l’aide, alors que ma mère s’assurait que la porte de ma chambre reste fermée pour m’empêcher de m’enfuir.
Après cet exorcisme, je suis tombée malade et je ne pouvais plus bouger. Ce qui est certainement une réaction physique au traumatisme. Je garde une grande colère de ce souvenir et c’est cette colère qui m’a poussée à m’imposer aujourd’hui, à ne plus me cacher du regard des autres.
Je ne me sens pas musulmane et je ne veux pas faire semblant. J’ai toujours eu un attrait pour l’occultisme mais je n’ai jamais osé en parler, jusqu’à récemment, quand j’ai pris la décision d’assumer mes croyances.
Même si je ne suis pas musulmane, l’islam reste important dans ma vie puisque j’ai grandi avec sa culture.
Auteure : Amira, 17 ans, Bruxelles
Cet article a été écrit lors d’un atelier Scan-R
Et d’autres histoires àraconter
Média d’expressions
Individuelle et collective
Destiné aux jeunes
En Fédération Wallonie Bruxelles
Scan-R est soutenu par