Je suis une Congolaise de nationalité, veuve depuis 2014 et mère de deux enfants. Il y a de cela deux ans que j’ai décidé de venir vivre en Belgique.

Après la mort de mon mari, la situation familiale a subi un déséquilibre total. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée qu’avec mes deux filles, avec qui je devais maintenir le niveau de vie qu’elles avaient avec leur père.

Hélas, ça ne tenait pas.

J’ai la chance d’avoir mes deux parents en vie. Grâce à eux, j’ai pu tenir le coup.
Mais comment rester les bras croisés lorsqu’on connait les réalités du pays dans lequel nous vivons ? Voir son père, qui, dans un pays organisé, devrait être à la retraite, se sentir obligé de travailler pour continuer à nourrir sa fille et ses petites-filles ?

Alors je devais trouver une solution, parce que c’était plus à lui de s’occuper de moi, c’était mon rôle de leur apporter mon soutien.

En effet, mon feu mari était Belge mais c’est ma première fille qui a bénéficié de sa nationalité. Et c’était facile, pour moi, de faire une demande de visa pour pouvoir venir m’installer en Belgique, pour que ma deuxième fille puisse en profiter. J’ai réussi mon coup et, ma fille ainée et moi, nous sommes arrivées en Belgique en janvier 2020.

A peine arrivées, nous sommes allées au SAMUSOCIAL (Centre d’hébergement famille et enfants à Evere), où j’ai rencontré des assistants sociaux qui m’ont accompagné à me régulariser après différentes démarches administratives.
Cependant, trois mois après notre arrivée à Bruxelles, je découvre une boule sur mon sein gauche. J’étais immédiatement convaincue que j’avais un cancer du sein. Je venais d’obtenir ma carte orange et ma carte de santé également. C’est comme cela que je suis allée voir l’infirmière du centre où j’étais pour exposer mon inquiétude. Elle finit par appeler le CHU Saint-Pierre pour une prise en charge (des examens médicaux approfondis).

Au final, les résultats tombent. J’ai le cancer du sein.

L’une des plus mauvaises nouvelles de ma vie après la mort de mon mari. J’ai vu mes filles orphelines de deux parents, je me suis vu dire au revoir à mes deux parents en leur disant : « faites l’impossible pour rester en vie jusqu’à mon retour ». Alors, je me dis que c’est moi qui vais mourir et ils n’auront même pas l’occasion de voir mon corps. Je regarde ma fille, je me dis qu’elle aurait dû rester au Congo avec ses grands-parents.

Alors, toutes ces réflexions, avec une prise en charge psychologique parfaite de l’hôpital, m’ont aidé à pouvoir me relever.

Au début, pour moi, tout était bon, parce que tout était pris en charge. Mais comme j’avais pas encore de mutuelle, un examen que je considère comme prioritaire (examen génétique), je ne savais pas le faire à ce moment-là. J’ai fini pas le faire. Entre l’hôpital et les démarches administratives, ma fille qui avait 12 ans à ce moment-là, elle ne voyait que du feu.

Ma maladie a fait naitre un sentiment de rejet absolu vis-à-vis de moi.

Nous avons quitté le centre pour s’installer dans une maison de transit du SAMUSOCIAL, « La Casa Resalto », où j’ai créé des liens avec d’autres personnes qui avaient également des problèmes de santé.

Mon traitement se passe bien. Entre-temps, je m’étais lancée à la recherche d’un chez-moi et je réfléchissais à ce que je devais faire après ma guérison.

Après avoir répondu à plusieurs offres sur IMMOWEB, enfin, j’ai une réponse positive et je dois aller avec ma fille rencontrer le propriétaire pour la signature du contrat de bail.

Arrivées, c’est une dame qui nous ouvre la porte, c’est elle la propriétaire. Après une dizaine de minutes d’échange, elle me fait comprendre, devant ma fille, qu’elle devait réfléchir car elle ne fait pas confiance à ma communauté. J’étais prête à me mettre à genoux, devant ma fille, parce que c’était la première fois que ma fille me voyait dans une situation d’incapacité.

Subir du racisme à ce point, ça reste l’une des difficultés que j’ai eues depuis que je suis en Belgique.

Pour conclure, l’accueil, la santé, l’éducation sont les choses que je garde de très positives en Belgique. Mais, au niveau du logement, qui est très difficile à obtenir, le racisme est très présent et les propriétaires ne se gênent pas. Et pourtant les services publics ont des logements inhabités.

Auteure : Lucienne, 21 ans, Bruxelles (Origine: RDC)

CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT LORS D’UN ATELIER SCAN-R.

Et d’autres récits

Le magnolia

Ce matin je me lève, je me dirige vers la machine à café pour essayer de désembrumer mon esprit. J’ai dormi 12h et pourtant je n’ai pas l’impression que mon esprit s’est mis en veille, 24 ans sans...

Ecrivain·e·s de la vie d’autrui

Nous sommes toustes des écrivain·e·s.Que ce soit l’espace d’un mot, d’une ligne ou de milliers de pages, nous écrivons la vie des autres, parfois même sans nous en rendre compte.Certain·e·s...

LES PETITS AVIS, EPISODE 81

Dès le départ, Scan-R essaye de valoriser la parole de chacune et de chacun ! Parmi les textes que nous recevons, certains sont trop brefs pour faire l’objet d’un post, nous les rassemblons donc...

Une simple fleur banale signifie des milliards de mots

Dans notre monde, il existe une infinité de langages sous toutes leurs formes, que l’homme utilise pour communiquer dans le secret ou l’intimité de sa bulle. Parmi eux, existe un langage...

L’amour

Pour moi l’une des choses les plus importantes dans la vie c’est l’amour sous toutes ses formes. L’amour amoureux, l’amour fraternel, l’amour familial, amical,.. Mais aussi le plus difficile à...

Actualité

Le plus fou dans la vie, c’est cette société. Avoir plus peur d’un homme que d’un ours dans une forêt. Et c’est la vie d’une tonne de minorité. Quand on voit l’actualité, j’en suis apeuré. Avoir...

J’aimerais…

Scan-R propose diverses activités aux 12-30 ans. Cette fois, il n'est pas question de réfléchir ! Les jeunes définissent ce qu'ils désirent le plus, en respectant les règles d'un jeu, l'écriture...

Je suis agriculteur parce que je sème

Je suis agriculteur. Pas parce que je vais manifester à Bruxelles ou parce que je vous nourris chaque jour, mais parce que je sème. Je sème des graines partout où je passe dans le but qu’elles...

Ma génération a le je t’aime facile

Ma génération a le 'je t’aime' facileCertains vous diront que c’est une bénédictionOn s’envoie de l’amour sans compterOn s’envoie de l’amour sans y penserOn s’envoie de l’amour toute la journéeOn...

Lois pour jeunes et moins jeunes

Collectif Mixité est une initiative liégeoise. Lors d'un atelier d'écriture, elle réunit un public provenant de Maisons des Jeunes. Lina, Kay Kay et Manon inventent des lois à adopter. Dans quel but...

Média d’expressions
Individuelle et collective
Destiné aux jeunes
En Fédération Wallonie Bruxelles

Scan-R est soutenu par

Pour être informé des activités de Scan-R