Revenge porn, tu ne gagneras pas

Revenge porn, tu ne gagneras pas

90% des victimes de revenge porn (1) sont des femmes. C’est le cas d’Aurélie, 18 ans, qui nous livre son histoire au goût amer d’amour déchu, de confiance humiliée et de papier peint vintage à jamais imprimés en elle.

Ah l’amour, ce sentiment que l’on croit toujours réciproque et pourtant… Je l’aimais, cela faisait un petit temps que nous étions ensemble et je me sentais prête à lui donner mon intimité. Ce soir-là, j’étais surexcitée de lui montrer ce qu’il ne connaissait pas encore de moi. J’avais mis mes plus beaux sous-vêtements, un soutien-gorge rouge en dentelle et la culotte assortie. C’était une première fois pour moi et je savais que c’était lui. Lui mon premier amour, celui qui m’épaule depuis tout ce temps, qui me fait me sentir unique. C’est le moment, j’allume mon Snapchat et je lui envoie les photos que j’avais imaginées déjà avant pour qu’elles soient parfaites. Il me dit que je suis magnifique ce soir, que je suis la femme la plus sexy au monde. Il screen mes photos, il me dit qu’il veut les garder pour me voir même quand je ne suis pas là. Je passe une merveilleuse soirée et je me sens belle pour la première fois depuis bien longtemps. Mais ça n’allait durer qu’un temps.

Le clic de trop

Le lendemain, il en redemande. Je lui dis que je ne suis pas d’humeur mais sa réponse est inattendue. Il me menace de publier les photos de moi si je ne le fais pas et sans m’en rendre compte, un cercle vicieux s’installe. Chaque soir, je lui envoie des photos de moi, mais je ne me sens plus aussi belle car je ne le fais pas par plaisir mais sous la menace. Après plusieurs semaines, je décide de tout arrêter. Ce soir-là, je me rappelle lui avoir dit que je ne voulais plus, qu’on ne pouvait pas continuer comme cela. 

Le lendemain est un réveil douloureux, non pas parce que j’ai perdu mon premier amour la veille mais parce que je crois perdre mes parents. Ils rentrent dans ma chambre en colère et me disent que Gaël, mon grand frère, vient de recevoir un message troublant d’un ami à lui. De quel message parlent-ils ? J’allais bien vite le découvrir. Une photo de moi nue suivie d’un commentaire « Ne serait-ce pas ta sœur ?”. Je fonds en larme. Mon téléphone est confisqué et ma vie ruinée. Je suis quand même allée à l’école ce jour-là. C’est un mercredi et je me dis que l’info ne s’est sans doute pas trop propagée, mais j’ai malgré tout l’impression d’être observée. J’ai une discussion avec mon père le soir-même qui essaie de comprendre pourquoi j’ai partagé ces photos de moi. Je vois dans son regard du dégoût.

Le clic de fin

Mes parents décident finalement de contacter les parents de Tristan et d’organiser un rendez-vous. Je demande d’y participer, en espérant au plus profond de moi que Tristan y soit aussi, que je puisse comprendre pourquoi il a fait ça alors qu’on s’aimait. Bien sûr, il n’est pas présent. Je me rappelle encore de ce  papier peint, celui du café où se déroule ce rendez-vous, une bibliothèque. Elle est dessinée en bois avec des livres de couleurs, d’abord un vert, puis un rouge suivi d’un jaune et d’un bleu. Parfois, l’ordre change comme une erreur dans le tableau, le jaune passe avant le rouge et puis tout revient dans l’ordre. Je n’arrête pas de le fixer, j’ai honte de voir toutes ces preuves de mes actes, ma confiance en moi détruite, éparpillée dans ces faux livres, trop brisée que pour pouvoir en construire quelque chose de convenable. 

Mes parents et ceux de Tristan décident après plus d’une heure de discussion argumentée de messages et de photos, qu’on va ouvrir un dossier à la police contre Tristan. Je demande alors que ce dossier ne soit pas fait, je veux lui laisser une chance car malgré tout, je l’aime. Ma demande est acceptée, quel soulagement.

La suite n’est pas des plus facile, j’ai perdu la confiance de ma famille, la solitude est assourdissante. Je me remets en question des tonnes et des tonnes de fois. Je passe des nuits, seule à pleurer jusqu’à ne plus avoir de larmes. Non, je n’ai plus le souvenir de ce soir magique passé lorsque l’on s’est envoyé ces photos, j’ai seulement le souvenir de l’après, de l’enfer dans le monde des vivants. 

Le déclic

Petit à petit ,je me suis reconstruite, j’ai repris confiance en moi. C’était long et douloureux mais j’ai été épaulée. Épaulée par ma famille mais aussi par mes amis et mon nouveau petit copain. Eh oui, malgré ce que je pensais, j’ai su aimer à nouveau, j’ai su donner ma confiance à un autre garçon. Mais je n’ai pas oublié, j’ai retenu de mes erreurs. J’ai appris à me préserver, à garder ces moments intimes pour le réel. Un acte qui n’a d’ailleurs pas toujours été compris par certain des garçons que j’ai côtoyés qui ne connaissaient pas mon passé. En parler à été difficile pendant un long moment, mais je n’ai jamais espéré l’effacer de mon passé car, malgré lui, notre histoire a fait de moi celle que je suis aujourd’hui. Une femme forte. Je ne me laisse plus marcher sur les pieds même s’il y a de l’amour, je suis devenue mon unique chef dans mes choix de vie et je ne m’en porte que mieux.

1. Le revenge porn (ou “vengeances pornographiques”) est le fait de diffuser sur internet, les réseaux sociaux, ou d’envoyer par des moyens de télécommunication des photos intimes et/ou à caractère sexuel obtenues dans le cadre de relations intimes. La diffusion de ces photos par un partenaire est le plus souvent liée à une volonté de chantage ou de nuisance à la suite d’une rupture. Le revenge porn est un délit qui relève du pénal et qui est sanctionné jusqu’à 5 ans de prison.

 

 

 

Auteure : Aurélie, 18 ans, Bruxelles

CET ARTICLE A ÉTÉ écriT LORS D’UN ATELIER SCAN-R À DISTANCE.

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