Quand j’ai entendu « molécule d’identité*», j’avoue, j’ai un peu paniqué. Après tout, ça fait quand même un peu peur de regarder au plus profond de soi et de se décider, juste maintenant, comme ça sur des mots qui peuvent dire tellement de toi. Peut-être que c’est rien, juste un moment qui peut sembler anodin… Et pourtant, au fond, je trouve ça si compliqué. Chaque seconde qui passe, chaque expérience que tu vis ajoute chaque fois un peu plus de terreau fertile pour répondre à la question : « Qu’est-ce qui me définit ? ». Puis, peut-être qu’il n’y a simplement pas de réponses transversales. Peut-être qu’il faut juste accepter que l’humain n’a de cesse d’évoluer et essayer de saisir chaque jour comme une opportunité de se réinventer. Mais alors, à quoi peut-on s’accrocher ?
Derrière nous, le passé et parfois certains rêves oubliés, devant nous peut-être une image de nous fantasmée et idéalisée. Comment entre les deux trouver le juste milieu pour juste continuer à chaque jour faire de son mieux. Au final, il est là, pour moi, le challenge, savoir à quoi m’accrocher, qu’est-ce qui au fond de moi, malgré les mouvements incessants de la vie, reste immuable. Qu’est-ce qui fait le cœur, le centre, bref, la colonne vertébrale de mon âme ? C’est quoi ma mission de vie, qu’est-ce que j’ai envie de partager comme énergie ? Qu’est-ce que je veux laisser de moi comme trace dans ce monde qui me parait si sombre et à qui je veux partager que oui, c’est chouette d’être en vie.
Une question, un moment, un instant dans le présent et pourtant derrière, dans le fond, tellement de grandes questions quand vient le temps de la définition. L’importance, l’envie et aussi la pression, toujours, encore, de « bien » répondre à la question. Pour moi, peut-être, enfin pouvoir trouver ma place parmi d’autres qui pensent eux aussi partager avec moi cette « classe ». Derrière un mot qu’on choisit, qui nous définit se trouve une vision, une manière d’être au monde.
Et au final, si j’ai tant besoin de répondre à ça c’est parce que faute de m’aimer moi, j’ai besoin que les autres le fassent pour moi.
Anodin et pourtant si profond, derrière quelques mots, toujours une envie de faire bonne impression. D’ailleurs, souvent, on nous pousse à faire attention, il ne faudrait pas rater la première impression. On le ressent parfois, un feeling qui passe ou passe. C’est parce que notre cerveau fonctionne un peu comme ça, en psychologie sociale on voit que très vite, pour savoir comment s’adapter à une situation, notre pensée va catégoriser les choses pour nous permettre de savoir comment agir, comment se comporter. Ceci dit, je pense qu’il peut aussi avoir une grande part d’instinct, d’intuition. Enfin, normalement. Je pense qu’aujourd’hui cela se perd, car pour pouvoir faire appel à son instinct, il faut pouvoir s’écouter. Ecouter parfois cette voix en nous qui crie, hurle même car par le passé on a eu de cesse que de l’étouffer parce qu’il fallait obéir aux lois, aux règles de la société normées. Nous voilà donc plus ou moins tous comme des petits carrés, parfois de jolis petits carrés, un peu comme dans un potager. Cette forme nous sied au teint, nous permet de nous sentir plein, épanoui et fleuri.
Parfois à force de coups et de suradaptation, on a réussi à prendre la forme du carré, mais quelque chose cloche, on a de cesse de se sentir coincé, de manquer de place à des endroits et de ne pas en avoir assez à d’autres.
C’est angoissant, je suis angoissée, constamment. Je ne sais pas quoi vous dire ni par où commencer parce que j’ai tellement à raconter. Quel fil tirer en premier de cette pelote si emberlificotée qu’est désormais devenue ma vie au fil des années.
Le choix de la simplicité, comment le faire quand on a l’impression que c’est un chemin dont on nous a dépossédé. Parfois, on se place en victime, on subit la vie, non pas qu’on n’a pas envie d’être courageux ou courageuse, juste, genre, vraiment, on est là et on regarde passer sa vie comme un film devant soi. C’est pénible, on respire mais pourtant, on est à bout de souffle. Il est court, il brûle, il passe mais n’arrive pas. Ma cage thoracique m’oppresse, donnez moi de l’air. A l’image de cette forme indéfinie coincée dans ce carré, je suis coincée dans mon corps, dans ma tête, dans mon passé.
J’avance, lentement mais sûrement, ça me pèse. J’ai l’impression de déplacer le monde sur mes épaules. Qui peut m’aider à porter mes fardeaux, qui peut m’aider à sortir la tête hors de l’eau ? Comment être sans se prendre la tête ? Comment vivre pour et arrêter de survivre ? Comment être léger et voler de ses rêves sans oublier qu’il faut se poser et pouvoir être ancré ? Ici et là sont donc les tourments de mon identité. Le bonheur et la joie vont et viennent au rythme des vagues de la vie. Ceci dit quand la dépression m’enveloppe à nouveau de ces bras, j’oublie, j’oublie le doux goût de l’euphorie. J’étais sur le sable, posée, tranquille, en train de vivre, rire et profiter. Par mégarde, j’ai oublié, je me suis laissée aller, j’ai lâché prise, j’ai décidé d’arrêter de tout vouloir contrôler et me voilà encore une fois happée par une vague immense. Au début, comme à chaque fois, la caresse de l’eau était délicate, souvenir d’une douce caresse vécue et revécue et sans crier garde, le niveau a monté et je me suis laissée emporter. Me voilà tiraillée, que faire ? Ai-je encore une fois l’énergie de nager ? Me battre peut-être pour atteindre cette plage qui portait mon corps que je pensais ancrer.
Devrais-je peut-être crier, appelez à l’aide en espérant que quelqu’un peut-être me lance encore une bouée ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis fatiguée.
La vie est une danse, entre errements et ressentiments, amour et tiraillements. Parfois elle mène la danse, parfois on peut choisir de retenter sa chance.
*NDLR: Durant nos ateliers, nous utilisons la méthode de la molécule d’identité qui invite les jeunes à s’identifier eux-mêmes au travers de leurs groupes d’appartenance.
Auteure : Laurie, 24 ans, Bruxelles
CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT LORS D’UN ATELIER SCAN-R.