Il y a des chanteurs et des chanteuses qui veulent mourir sur scène, sous les projecteurs, acclamés par le public. Mais vous, mes amis et amies de la rue, votre scène, c’est un bout de carton, un bâtiment vide, l’entrée d’un immeuble, ou encore un banc dans un parc.

Un chanteur chante ses chansons, les gens écoutent sa musique.

Vous aussi, vous avez votre musique : vos paroles sont celles de la souffrance de la rue. Mais peu de gens prennent vraiment le temps de les entendre.
Vos chansons, ce sont des histoires de douleur, de chagrin, d’épuisement, de batailles perdues, de trahisons. Même avec ces paroles pleines de vérité, personne n’écoute vraiment.

Il y a tant de différence entre un sacrifice fait sous les projecteurs et celui que vous vivez chaque jour, dans l’ombre. Où est notre dignité humaine ? Elle est sans cesse piétinée. Nous pleurons nos morts, nous portons le deuil, mais souvent, nous n’avons plus assez de force pour continuer à avancer dans ce monde de trahisons. Notre monde à nous, c’est la rue. Une “liberté” qui brûle, marquée par le drame et les préjugés.

On ne vit pas dans la rue : on survit.

On affronte la chaleur accablante, la pluie, le vent, le froid glacial, sous une tente ou à la belle étoile… sans que la société ne se préoccupe vraiment de notre vie ou de notre santé. Il y a des moments où la colère grandit contre la société.

On marche dans un brouillard si épais qu’on a peur d’avancer. Et pourtant, une fois par an, sur une scène improvisée, on rappelle que nous existons encore, que nous vivons dehors.

Vous n’êtes plus à nos côtés sur un banc ou dans l’entrée d’un immeuble, mais vous restez dans nos pensées. On dort sur un carton pour se protéger du froid ou du soleil, et on essaie de faire attention les uns aux autres, en parlant de nos souffrances, de notre douleur… et surtout de ce manque de dignité humaine qui nous est refusé.

N’oubliez jamais : derrière chaque visage de la rue, il y a un nom, un prénom. Nous ne sommes pas des déchets de la société, nous sommes des vies humaines. Même si on vit sous un régime injuste, même si on est enchaînés par les décisions d’un gouvernement qui nous ignore, nous restons des êtres humains. Nous avons un cœur, un corps qui respire le même air que vous, sous le même ciel, sur la même planète.

NDLR : Parfois, Scan-R partage la parole des personnes ayant plus de 30 ans. Elles écrivent au sein d’institutions en lutte contre la précarité.

Auteur : Willy, 58 ans, Charleroi

CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT LORS D’UN ATELIER SCAN-R.

Et d’autres récits

Miam miam

Comment éviter d’exploser de rage dans ce monde absurde ? Suivez la recette. Il vous faut : • Un zeste de patience envers les haineux. Pas trop quand même, c’est toujours mieux d’éviter les high...

Jimmy, mousquetaire imaginaire

Il était une fois une petite souris qui s’appelait Jimmy ! Son plus grand rêve dans la vie était de devenir mousquetaire. Un rêve trop grand pour un si petit être ? C’était en tout cas l’avis de ses...

Sans temps

Temps, Bruit des aiguilles, temps qui passeEncore et toujours dans le même cirqueJe m’efface… Brouhahaha et train qui passeJe trépasse… Temps,Cette chose m’échappe.Ça m’agace…Son bruit résonne...

A un fil du bonheur

Il était une fois un monde peut-être pas si lointain de celui où on vit. Un monde où, pour fonctionner, chaque homme suivait une récompense. Certains pourchassaient des liasses de billets, tandis...

LES PETITS AVIS, EPISODE 121

Dès le départ, Scan-R essaye de valoriser la parole de chacune et de chacun ! Parmi les textes que nous recevons, certains sont trop brefs pour faire l’objet d’un post, nous les rassemblons donc...

Vivre, avec ses grands bonheurs et ses petits malheurs

J’aurais aimé savoir plus tôt qu’il ne faut pas toujours chercher à être heureux•se en permanence pour vivre une vie belle et épanouie. « Comment ça va ? ». Presque systématiquement, la réponse à...

Intraçable

J’ai toujours rêvé de laisser une trace. Moi dans la vie, je ne veux pas qu’on m’oublie. Je veux que les gens se souviennent de moi. Pas pour avoir fait de grandes choses. Mais juste pour qui je...

Quand tout semble s’éteindre…

Quand le vent souffle fort et que le ciel se ferme,Quand la nuit semble longue, et le cœur, à l’extrême,Rappelle-toi toujours, au plus creux de l’orage,Que l’aube se prépare, cachée dans les nuages....

Bavard

Être bavard c’est à la fois une qualité et un défaut. On ne choisit pas d’être bavard. Nous, les bavards, sommes confrontés à parler mais alors, beaucoup parler. C’est chouette de parler, d’être...

LES PETITS AVIS, EPISODE 120

Dès le départ, Scan-R essaye de valoriser la parole de chacune et de chacun ! Parmi les textes que nous recevons, certains sont trop brefs pour faire l’objet d’un post, nous les rassemblons donc...