Addict. Accro. Dépendante. Peu importe comment tu l’appelles, tu sais que ça sent pas bon. Ca évoque le chaos et les problèmes.

Je suis une addict, une éternelle accro et pour sûr dépendante à bien trop de choses. On pourrait d’abord parler de la dépendance affective, celle qui te fout une boule au ventre dès que tu t’attaches à quelqu’un·e. Tu sais que tu n’en sortiras pas indemne. Et l’autre personne non plus. Tu comprends dès la première seconde que ce vieux mécanisme ancré en toi va se reproduire, faire du mal et te rendra encore plus seule et désillusionnée que tu n’es déjà. On pourrait ensuite parler de la dépendance à toutes les choses qui font ou faisaient partie de mon quotidien, comme de celui de beaucoup de monde – comme le sexe, l’alcool, les cigarettes. Et puis les choses vitales, comme la nourriture par exemple. Pour couronner le tout et compléter le combo gagnant, BAM, jackpot, tu as les substances psychoactives qui te font voyager ou te renferment, qui t’anesthésient ou t’éveillent, te font réfléchir ou t’empêchent d’avoir la moindre pensée raisonnée.

La complexité de l’addiction pour moi est qu’elle se situe partout et tout le temps. Je mange tous les jours et chaque repas est une épreuve. Je me balade quotidiennement et je vois l’alcool partout, omniprésent, vanté et offert à chaque coin de rue. Je sens l’odeur de la cigarette sur chaque terrasse. Je tente de ressentir la tension sexuelle ambiante de manière quasi permanente. Je suis entourée de personnes qui aiment prendre quelques traces de coke le vendredi soir, une ou deux P le samedi soir et puis qui subissent des descentes aux enfers faramineuses dès le dimanche midi. Je ne vis pas dans une bulle, je suis confrontée à mes démons en permanence.

Je suis comme vide à l’intérieur. Je n’ai jamais réussi à expliquer pourquoi je ressens cela. Les différentes psychothérapies ont tenté d’y parvenir mais sans succès. J’ai donc cette image de moi depuis très longtemps d’une batterie vide qu’il faut constamment recharger, d’un récipient qu’il faut inlassablement remplir. Une cigarette fait l’affaire pour 10-15 minutes. Une bonne pizza peut me calmer pendant 2 à 3 heures. Un orgasme également. L’alcool, à l’époque, me permettait de tenir plusieurs heures en fonction de la quantité ingérée. Les autres drogues permettent de combler ce manque pendant des durées variables également. Parfois quelques minutes, parfois une nuit entière. Mais peu importe la quantité, la fréquence ou la dose, tu reviens toujours – toujours – à ce vide abyssal. Celui qui te ronge l’estomac, te donne envie de pleurer, de te réfugier dans les bras d’un inconnu, ou de te vider une bouteille de vin blanc. Ce cycle infernal est mon quotidien. Rassurez-vous, je m’apprivoise. J’ai appris des trucs et astuces pour contrôler mes pulsions de manque. Je suis fière de vivre sans alcool. Je suis fière de réussir à ne rien consommer, seule sous mon plaid regardant une énième série sur mon projecteur. Je suis fière de me réjouir lorsque une de mes plantes bourgeonne. Je suis heureuse de réussir à passer une soirée jeux de société et de me surprendre à aimer chaque minute de celle-ci. Une vie de mamy disent certains. Plutôt un semblant de tranquillité qui me pose et m’apaise.

J’ai l’impression – et je me déteste pour cette raison – d’avoir toujours été et par conséquent de m’être toujours considérée comme une victime. Victime de mon hyper-sensibilité, victime de mes gestes qui me trahissent, victime d’homophobie et de transphobie et victime de ces addictions. Combien de personnes m’ont dit qu’avec un peu de bonne volonté, j’arriverai à m’en sortir et que – je cite – j’avais tout pour être heureuse. Même si cela part probablement d’une bonne intention, ce n’est pas vrai. Blâmer les victimes ne sert à rien. Les rendre responsable de leurs addictions ou de leurs angoisses les fait plonger d’autant plus. Par contre, leur donner espoir, leur rappeler qu’iels ne sont pas seul·es, que la bonne volonté couplée à d’autres types d’aide peuvent leur permettre de passer d’une vie rythmée par les addictions à une vie plus sereine, plus heureuse et moins difficile.

Arrêtons de nous juger. Tentons de nous mettre à la place de personnes qui ne vivent pas la même chose que nous. Et si on n’y arrive pas, acceptons simplement que notre réalité n’est pas celle de notre voisin·e. Que chacun·e tente de s’en sortir, avec ses propres armes. Essayons-nous de nous écouter et de nous comprendre.

Auteur : Anna, 29 ans, Liège

CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT LORS D’UN ATELIER SCAN-R.

Et d’autres récits

Et puis, je ne t’ai plus jamais vu

Je n'étais qu'une enfant et il en a profité. Nous étions proches. C'était un ami pour moi, une personne avec qui j'étais à l'école, malgré le fait qu'il était plus âgé que moi, je tenais à lui....

Parlons du sens de la vie

J’ai choisi de parler du sens de la vie. J’y ai toujours beaucoup réfléchi, parce que pour moi, il n’y a aucune réponse évidente. Ce n’est pas qu’il n’y a aucune réponse, c’est qu’il n’y en a pas de...

Pour un monde meilleur

En 2023, peut-on encore voyager ou faut-il penser à sauver la planète ? De mon point de vue, je dirais qu’il est important de voyager pour acquérir des compétences. Chaque périple va nous apporter...

Changement d’âge

Aujourd’hui, j’ai 18 ans. Enfin, pas tout à fait. J’ai 18 ans quand cela arrange mon père qui ne doit plus jouer les taxis.J’ai 18 ans quand l’État demande mon vote pour soutenir un parti.Mais,...

Ce qui me révolte, c’est l’homophobie

Ce qui me révolte, c’est l’homophobie. Mes parents ont divorcé quand j’avais deux ans et demi. Après leur divorce, ma maman a eu plusieurs copines. À ce moment-là, on ne parlait pas beaucoup de...

LES PETITS AVIS, EPISODE 63

Dès le départ, Scan-R essaye de valoriser la parole de chacune et de chacun ! Parmi les textes que nous recevons, certains sont trop brefs pour faire l’objet d’un post, nous les rassemblons donc...

Plus loin que l’oubli

Tout le bleu du ciel de Melissa Da Costa est un roman qui aborde la fatalité de la maladie. Emile, un jeune homme, a appris qu’il était atteint d’un Alzheimer précoce. Il décide de partir avec une...

J’ai toujours été révoltée par l’injustice

J’ai vu un bébé mort aujourd’hui. Quand une amie me voit plus tard et me demande comment je vais, je lui dirai : « Bien » et je lui sourirai. J’ai vu un bébé mort aujourd’hui, j’ai vu un bébé mort...

Back to the future

Le 20 janvier 2023, le groupe italien Måneskin sort son quatrième album. Le premier depuis leur victoire à l’Eurovision. Il est sorti durant leur tournée mondiale, ce qui leur a permis de faire...

Projet parent

Lors d'une dernière conférence d’Emmanuel Macron, le président français a évoqué que le taux de natalité est en baisse, sur base d’une étude de l’INSEE. Et après ça, il a évoqué qu’il fera en sorte...