« Et pourquoi avez-vous un trou de six mois dans votre CV d’ailleurs ? ».

A ces mots, j’observe le jeune garçon devant moi s’enfoncer encore un peu plus au fond de sa chaise.

« Euh… Eh bien c’est-à-dire que… ».

« Ce n’est pas comme si vous aviez beaucoup de revenus à déclarer. Je suppose que vous avez pris un congé puisque vous avez des parents sur lesquels vous pouvez compter ».

Je le coupe dans sa phrase, je n’ai pas besoin de l’écouter. Des types comme lui, j’en vois passer tous les jours. Des incapables, qui se reposent sur leurs lauriers. Qu’est ce que j’en aurais à faire de leur passé ? De leurs difficultés ? La souffrance n’a aucune valeur. On ne peut pas l’échanger contre son pain quotidien. Tout ce qui m’intéresse, c’est comment les vendre sur le grand marché, celui avec un grand « T ».

« D’ailleurs, la prochaine fois, sur votre CV, fermez la bouche. Si vous souriez je peux voir d’ici vos atroces dents cariées ».

« C’est-à-dire que ma mutuelle… ».

« Tututut, des excuses, toujours des excuses. Allons, réjouissez-vous, j’ai un job à vous proposer. C’est un travail noble, vous serez envié ! Il s’agit d’un poste dans un call center. Tout ce que vous avez à faire, c’est rester assis pendant qu’on vous crie dessus et peut être, à l’occasion, vendre des pilules douteuses à quelques retraités. Vous aurez de nombreux avantages : pas moins de cinq minutes de pause par jour vous seront accordées pour passer dans le water closet délabré – attention, tout surplus sera retiré de votre salaire –. Et tout cela pour un salaire qui n’est inférieur à votre chômage que de 200€ ! Mais quelle opportunité ! ».

Le jeune homme se recroqueville. Je vois peu à peu son visage passer de la tristesse à un ton plus neutre. Parfait, il dissocie, cela rendra mon travail plus facile. Après lui avoir aussi rappelé le temps qu’il lui restait avant de perdre ses droits, il hoche péniblement la tête. Eh oui, encore un client satisfait. Et encore une belle journée pour l’emploi dans une Belgique épanouie.

ndlr : Texte fictif inspiré d’une illustration dessinée par Zam Zadeh

Auteur : Pierre, 27 ans, Mons

CET ARTICLE A ÉTÉ PRODUIT LORS D’UN ATELIER SCAN-R.

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